Essais

Nicole Lapierre

Faut-il se ressembler pour s’assembler ?

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photo libraire

Chronique de Florence Zinck

Librairie Sauramps Comédie (Montpellier)

Faut-il se ressembler pour s’assembler ? C’est la question politique et actuelle que pose l’anthropologue et sociologue Nicole Lapierre, directrice de recherche émérite au CNRS. Sa réponse est non.

Le proverbe « Qui se ressemble s’assemble » est une fausse évidence que Nicole Lapierre considère comme redoutable, car elle sous-entend l’exclusion des différences qui font pourtant la singularité de chaque individu. Ses propos s’appuient sur une différenciation entre les valeurs d’une société qui souvent représentent un idéal universel et une réalité qui ne s’y conforme pas. Ainsi à l’égalité républicaine répond en fait une hiérarchie des différences. « Le système patriarcal appartient à un temps long qui se perpétue. Le fonctionnement de la famille n’a pas vraiment changé. L’inégalité entre l’homme et la femme y est la règle. » Pour l’anthropologue, il faut donc inverser cette citation, il convient de s’assembler pour se ressembler (un peu), tout en conservant sa singularité. L’auteure met en opposition l’aspect figé de l’inné, au processus de la ressemblance, passant par un présent partagé, dans les échanges, les projets, la création du commun. Sans renier l’importance de la mémoire et de l’héritage de chaque être, de chaque famille, elle encourage leurs développements vers de nouvelles perspectives. Une avancée législative a été faite pour accepter tous les types de parentés (par exemple, la loi bioéthique du 15 octobre 2019 qui permet aux homosexuelles et aux célibataires de faire appel à la PMA). Ce n’est pas pour autant la fin des hostilités devant les discriminations de toutes sortes (xénophobie, racisme, sexisme), devant le désir d’uniformisation de la langue, des prénoms et des noms, etc. « Dans une démocratie française de basse intensité », Nicole Lapierre démontre que les institutions actuelles ne permettent plus beaucoup de développer du commun et, in fine, qu’il s’agit donc de faire naître de nouvelles institutions. Étoffé de références anthropologiques et philosophiques, le dernier essai de Nicole Lapierre est sans aucun doute éclairant et percutant.