Littérature étrangère
Fiona Mozley
Elmet
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Fiona Mozley
Elmet
Traduit de l’anglais par Laetitia Devaux
Joëlle Losfeld
03/01/2020
236 pages, 19 €
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Chronique de
Cyrille Falisse
Librairie Papiers collés (Draguignan) -
❤ Lu et conseillé par
6 libraire(s)
- Nathalie Iris de Mots en marge (La Garenne-Colombes)
- Sébastien Lavy de Page et Plume (Limoges)
- Maria Ferragu de Le Passeur de l'Isle (L'Isle-sur-la-Sorgue)
- Isabelle Dugailliez de L'Oiseau Lire (Visé)
- Maryline Noël de Le Comptoir (Santiago)
- Joachim Floren de Le Matoulu (Melle)
✒ Cyrille Falisse
(Librairie Papiers collés, Draguignan)
Finaliste du Man Booker Prize 2017 pour son premier roman, la jeune romancière britannique Fiona Mozley livre une fresque saisissante de puissance littéraire et décrit un monde où la violence définit le territoire.
À la lisière du temps, trouvant sa place entre les contes celtiques du Yorkshire et les histoires de lutte de classes thatchériennes, Elmet démarre doucement, délicatement pourrait-on dire, au milieu des bois, sous le bruissement pudique de la canopée. Un père, John, immense et fort comme un ours, élève seul ses deux enfants, Cathy et Daniel. Il leur apprend à survivre, les confie de temps à autre à une amie qui leur fait l’école et disparaît le soir pour gagner sa vie dans des combats illégaux. La mère réapparaît parfois, avant de s’évanouir comme une ombre dans le noir. Personne ne compte plus sur elle. Dans les contes, le mal, même s’il prend son temps et ménage son suspense, finit toujours par rompre la quiétude : pas sur une branche, crissements de pneus dans l’allée… Là il prend la forme d’un propriétaire terrien, Mr Price. Car chaque chose a son prix. Et la terre où John a construit sa maison lui appartient. Soit John combat pour lui, soit il les met dehors. S’engage alors une lutte plus large, d’un côté la main d’œuvre locale qui s’organise pour faire grève, de l’autre les propriétaires qui menacent d’embaucher ailleurs. Au milieu de cette partie d’échecs, John et sa famille sont des pions que l’on sacrifie avant d’ouvrir le jeu. Et la violence va s’insinuer partout, volcan qui explose soudainement, déborde et brûle tout sur son passage. La force d’Elmet tient dans sa narration. Le narrateur, c’est Daniel. Il n’a pas hérité de la force paternelle, n’a pas son allure de fauve, ni la taille de ses biceps. Il ne peut pas se battre. L’adolescent qui raconte cette histoire de forces déchaînées est un étranger dans son propre monde. Cette distance, cette prise de recul par rapport à son sujet est la grande intelligence du livre. Et le résultat en est d’autant plus stupéfiant.