Essais

frédérique Leichter-Flack

Qui vivra, qui mourra

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photo libraire

Chronique de Caroline Clément

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Qui vivra, qui mourra, interroge la philosophe Frédérique Leichter-Flack sans poser de point d’interrogation. Qui doit vivre quand tout le monde ne peut pas vivre ?, insiste l’auteure du Laboratoire des cas de conscience (Alma).

La question se présente comme un casse-tête. Presque un jeu. À l’écran, dans certaines séries télévisées ou dans les romans pour adolescents, c’est à s’y méprendre. Mais le dilemme, le choix, le casse-tête, n’a rien de ludique. À sa base, quelques personnages placés en vase clos. Entre leurs mains une quantité insuffisante de ressources vitales. En résumé, des êtres dans le besoin, dans la plus grande nécessité, sont sommés de faire un choix : vivre coûte que coûte au détriment de la morale et de la vie des autres, ou mourir, se sacrifier, en leur laissant la vie sauve. Frédérique Leichter-Flack, auteure du Laboratoire des cas de conscience (Alma), cerne ce qui, dans notre société, réactualise cette question brûlante du droit à la vie en situation extrême – depuis les camps nazis ou lors de prises d’otages, à l’occasion d’un naufrage ou suite à une épidémie, à un désastre naturel. Intimement liée à l’Histoire, imbriquée notamment à l’épisode de la Shoah et aux listes établies de déportés juifs, cette question insoluble, « qui doit vivre, qui doit mourir », est une affaire d’éthique, affaire d’humanité, affaire d’État. L’alternative semble impossible, sidérante… Primo Levi, Hannah Arendt, Günther Anders, ou encore David Rousset, William Styron et Kazuo Ishiguro, sont ici convoqués. Frédérique Leichter-Flack nourrit encore son raisonnement à partir de séries et de films tels que Hunger Games, Grey’s Anatomy, Lifeboat d’Alfred Hitchcock, Titanic de James Cameron. « Dans un monde où il n’y a pas assez de vie pour tous ceux qui y prétendent, la sélection sociale devient un tri qui oriente vers des catégories bien distinctes – les naufragés et les rescapés, les perdants et les gagnants, les vivants et les morts, entre lesquels il n’y a rien. »

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