Littérature française

Marc Torres

La Cité sans aiguilles

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photo libraire

Chronique de Bruno Moulary

Librairie Le Cadran lunaire (Mâcon)

Un premier roman qui tient à la fois de la fable, du conte et du livre de sagesse, une véritable réussite ! Si vous avez gardé des souvenirs émus des romans d’Italo Calvino comme Le Château des destins croisés et Le Chevalier inexistant (Folio), ou du personnage de Sinbad dans Les Sept Voyages de Sinbad le marin, il vous faut lire à tout prix La Cité sans aiguilles.

Une ville dont on ne sait si elle est réelle ou imaginaire. Trois personnages à la recherche de leur vérité, qui doivent gagner – aux deux sens du terme : atteindre et triompher – cette cité sans savoir pourquoi ils doivent l’atteindre, ni où elle se trouve. Nous suivons d’abord l’itinéraire de chacun des trois. L’horloger qui est passé maître dans l’art de construire et de régler les machines à dominer le temps : « Non je ne vais pas t’apprendre mon métier, je vais t’apprendre mon art », le guerrier, maître dans l’art du temps du combat : « elle ne rôdait jamais très loin de la cité, la guerre. À la salle venaient parfois des hommes durs, aux visages absents, et lorsque ceux-là se battaient, on sentait que c’était contre leurs souvenirs qu’ils le faisaient », et l’écrivain, maître des mots qui permettent à leur tour de dominer le temps : « On dit que tu sais dessiner les mots. C’est vrai ? C’est une idée de ce genre, admit l’écrivain. On appelle cela écrire. C’est comme pour le nom des étoiles ; dessiner les mots faisait peur, alors on a inventé un mot pour se rassurer : écrire ». Un quatrième personnage apparaît à divers moments du récit, il s’appelle le roi Blanc. Ce dernier fut d’abord un palefrenier qui, simplement armé de son bâton, chercha à obtenir la victoire pour épouser la fille du roi, Elvira. « Qu’aurait-il pu répondre ? Qu’elle était la fille d’un seigneur des environs ? La plus belle, la plus souriante, celle dont le rire s’élevait en cascade jusqu’à faire s’éteindre le chant du rossignol ? Que, lorsque ce rire s’accrochait dans le cœur des garçons, il était impossible de s’en défaire ? » Cette histoire du roi Blanc est tellement proche du conte de fées traditionnel, que l’on ne peut que douter de sa véracité, et surtout de son étrange relation au reste de l’histoire. Et pourtant : « Quand on sait où l’on va, ce sont les chemins qui vous trouvent. Mets-toi en route et ta route apparaîtra. » Il faut savoir gré à l’auteur de nous avoir fait partager ce road movie fantastique où chaque étape du récit, tel un parcours initiatique, apporte un nouvel éclairage sur l’objet de la quête et nous emporte à la découverte d’une autre réalité. « Oui, dans le vent j’ai entendu cette légende. Croyez-la si vous voulez. Toutes les histoires sont vraies, il suffit de le décider. »