Polar
Qiu Xiaolong
Dragon bleu, tigre blanc
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Qiu Xiaolong
Dragon bleu, tigre blanc
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Adélaïde Pralon
Liana Levi
21/11/2024
304 pages, 19 €
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Chronique de
Bruno Moulary
Librairie Le Cadran lunaire (Mâcon) -
❤ Lu et conseillé par
7 libraire(s)
- Camille Hacquard de Aux vieux livres (Châteaugiron)
- Martine Facon
- Jean-Pierre Maillet de La Parenthèse (Beaupréau)
- Paule Zimba de L'Escampette (Pau)
- Dewi Guyader de Mots et Images (Guingamp)
- Xavier Cerf
- Eve Bohu de Chimère (Chatillon)
✒ Bruno Moulary
(Librairie Le Cadran lunaire, Mâcon)
Il ne faudrait pas que l’immense succès de la littérature policière scandinave nous fasse oublier la vitalité du genre au sein des autres régions du monde. Bien qu’immigré aux États-Unis, l’auteur nous offre ici un récit s’inscrivant dans l’Histoire millénaire de la Chine.
Les amateurs de Xiaolong retrouveront dans Dragon bleu, tigre blanc l’inspecteur Chen, qui partage avec l’auteur une saine passion pour T.S. Eliot. L’écrivain et son personnage ont également en commun d’avoir eu un père victime de la répression maoïste à l’époque des grandes purges de la révolution culturelle, en raison de ses convictions religieuses. Au sein de cet excellent roman se croisent de nombreux aspects de la culture chinoise : réminiscences de poèmes remontant aux origines de l’Empire du milieu, tradition de l’opéra de Suzhou, mais aussi quantité de problématiques propres à la Chine des années 1990, alors que le pays s’ouvrait brutalement à l’économie capitaliste. L’auteur dresse le portrait des caciques du parti communiste, ces profiteurs sans scrupules que les Chinois appellent les « gros sous » et qui n’ont d’autre obsession que leur enrichissement personnel. À lire Xiaolong, on est sidéré par la violence de la société chinoise livrée aux dérives de l’ultra-libéralisme. Dans cet enfer régi par les seules lois du marché, quelques individus, comme Chen ou son ancien collègue, s’efforcent de rester fidèles à leurs idéaux de jeunesse et à la culture traditionnelle des anciens. Il s’avère pourtant bien difficile de conserver ses idéaux dans un tel contexte, comme le très scrupuleux Chen l’apprendra bientôt. Trop insoumis, il est démis de son poste de chef de la police… pour être bombardé à des fonctions en apparence plus prestigieuses, mais qui se révèlent en réalité une mise au placard en bonne et due forme. Il ne se laissera pas faire, déterminé à prouver que ce genre de proverbe possède encore un sens dans la Chine contemporaine : « On a beau posséder des montagnes d’or et d’argent, en un jour, l’empereur peut tout emporter sans un mot. »