Littérature française

Carole Martinez

Du domaine des murmures

photo libraire

Chronique de Sandrine Maliver-Perrin

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Missionnée pour « éclairer le monde » en ces sombres temps médiévaux, l’héroïne de ce roman puissant nous entraîne dans un tourbillon de passions à la croisée de l’Histoire.

Le jour de ses noces, Esclarmonde, 15 ans, se tranche une oreille devant une assemblée médusée pour signifier à son père et à l’époux qu’il lui destine son refus de se marier. Debout devant l’autel, dans sa robe blanche de pucelle maculée de sang, elle clame haut et fort sa volonté de n’appartenir qu’à Dieu. Ce terrible geste s’accompagne de l’entrée d’un agneau, parfaite incarnation de l’innocence, dans l’église où l’archevêque et tous les invités présents tombent en extase. Esclarmonde demande à vivre en recluse dans un réduit attenant à la tour de la chapelle du domaine, dont le seul contact avec l’extérieur est une fenestrelle à larges barreaux. Dès lors, la vie dans le comté est totalement bouleversée. Les choses et les gens semblent renaître ou se transformer comme par miracle. La nature redevient prolixe, les récoltes sont étonnamment abondantes et la redoutable Grande Faucheuse déserte les lieux. Fiction et réalité s’entremêlent dans ce roman envoûtant, qui confirme l’immense talent de conteuse de Carole Martinez. Cette fable baroque et sauvage nous emporte dans un monde régi par la violence des désirs, où l’on craint autant le châtiment de Dieu que les fantômes qui se lamentent sous les pierres.