Polar

Olivier Barde-Cabuçon

Casanova et la femme sans visage

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photo libraire

Chronique de Nadège Badina

Librairie Le Square (Grenoble)

Pour l’épisode inaugural de sa série policière historique, Olivier Barde-Cabuçon fait fort : sous sa plume, Casanova le Vénitien, pantin aux multiples facettes, ne serait qu’un simple témoin… Mais pas des moindres !

Une douce soirée de 1759. Une femme dont la peau du visage a été arrachée est retrouvée dans Paris. Un jeune et grand garçon, à la mine plutôt agréable mais au regard sombre et au maintien sévère, est chargé de l’enquête : Volnay, le commissaire aux morts étranges . Anobli et fait chevalier par le roi lui-même, après l’avoir sauvé lors de l’attentat de Damiens, il est reconnu pour ses mœurs irréprochables, mais n’en est pas moins surveillé de près par Sartine, lieutenant criminel de Paris. Quand il subtilise une lettre au poinçon royal retrouvée sur le cadavre, il se voit dorénavant affublé d’un compatriote inattendu, témoin de ce larcin : Casanova lui-même. Avec ce crime qui pourrait impliquer la Pompadour, voire Louis XV en personne, Olivier Barde-Cabuçon échafaude une enquête policière singulière. Plongeant au cœur des rouages d’un royaume où personne n’est à l’abri de personne, hormis le roi, il brosse le portrait d’une époque entre despotisme et chimères, ajoutant l’érudition au plaisir de le lire. Sous nos yeux se dessine alors une société qui n’a rien à envier à la nôtre, avide de châtiments et avare en compliments. Au milieu de cette ténébreuse atmosphère, il fait jaillir un duo d’enquêteurs aussi douteux qu’efficace : ce fameux Volnay et ce non moins fameux Casanova. Olivier Barde-Cabuçon est adroit en écriture : leur prêtant un langage d’époque commun, il n’en oublie pas pour autant leur excentricité personnelle, transformant Casanova en parfait flagorneur et Volnay en invétéré méfiant. Leur intérêt restera toujours individuel – les femmes pour l’un, l’esprit des criminels pour l’autre – mais leur but est partagé : démasquer le meurtrier de cette jeune perruquière du roi. Il leur fait porter l’enquête avec forfanterie et intelligence jusqu’à son aboutissement inattendu. Car, si les indices se dévoilent assez rapidement, jusqu’à la fin le suspense perdure. Le pitre n’est pas forcément celui que l’on croit ! Avec cette femme sans visage, Olivier Barde-Cabuçon a magistralement ajouté une corde à l’arc de Casanova.