Essais
Marie-Pier Lafontaine
Armer la rage
-
Marie-Pier Lafontaine
Armer la rage
Héliotrope
07/02/2025
114 pages, 15 €
-
Chronique de
Deborah Vedel
Librairie Les Temps modernes (Orléans) -
❤ Lu et conseillé par
5 libraire(s)
- Laurence Behocaray de I.U.T. Carrières sociales, Université (Tours)
- Christelle Chandanson de Elkar (Bayonne)
- Deborah Vedel de Les Temps modernes (Orléans)
- Letizia Frisina de Lettres à croquer (Villeurbanne)
- Élise Guillaume de Arborescence (Massy)
✒ Deborah Vedel
(Librairie Les Temps modernes, Orléans)
L'autrice de l'inoubliable Chienne est de retour en librairie et exhorte les femmes à utiliser leurs poings comme leurs mots pour une défense active face à la violence patriarcale.
Il y a quelques années, Marie-Pier Lafontaine a subi l'agression de trop : des attouchements de la part d'un inconnu dans le métro, qui ont fait écho aux violences innommables vécues dans son enfance et relatées dans son premier roman, Chienne. Le choc subi lui inspire une réflexion puissante sur les différents types de traumas sexuels : directs, indirects et insidieux. Ces derniers sont particulièrement destructeurs, même pour les personnes n'ayant jamais subi directement de violences. Si les ravages psychologiques de ces agressions ne font aucun doute, les femmes ne sont pas entraînées à s'en protéger, loin de là. La culture du viol empêche les femmes de répondre efficacement aux violences misogynes et les enferme dans un rôle de victimes. À quoi bon fuir, s'interdire la fréquentation de certains lieux ou ne pas sortir de chez soi dès la nuit tombée ? L'autrice plaide au contraire pour l'auto-défense la plus musclée possible. Oui, les femmes sont capables de s'entraîner au combat, de faire mal, de frapper fort. La contre-attaque doit également s'étendre à la littérature, pour faire émerger des récits où esthétique et politique sont indissociables. Les traumas sont des sujets littéraires légitimes qui doivent récupérer la place qui leur est due. L'autrice n'hésite pas à revenir sur son histoire familiale particulièrement glauque, en précisant : « Je ne pardonne rien, moi, j'écris. J'éventre le cadavre encore chaud de mon enfance. » Ce texte, à la fois intense et d'une grande clarté, sera sans doute un nouvel incontournable de la littérature féministe. La langue de Marie-Pier Lafontaine étonne encore une fois par sa force et sa précision chirurgicale. Saluons par ailleurs les excellentes éditions québécoises Héliotrope, enfin disponibles en France, qui publient cet essai.