Littérature française
Émilie Desvaux
Le Ciel de Tokyo

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Émilie Desvaux
Le Ciel de Tokyo
Rivages
02/01/2025
238 pages, 20 €
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Chronique de
Stanislas Rigot
Librairie Lamartine (Paris) - ❤ Lu et conseillé par 21 libraire(s)

✒ Stanislas Rigot
(Librairie Lamartine, Paris)
Trois âmes en peine et une ville labyrinthique. Émilie Desvaux met en scène avec une grande sensibilité la fascination exercée par le Japon et l’impossibilité pour un étranger de saisir l’âme de ce pays.
Bienvenue à Asakusa. Ce quartier de Tokyo, légèrement excentré, est connu notamment pour son temple bouddhiste, le plus ancien de la ville, haut lieu du tourisme japonais. Mais Asakusa est aussi un quartier qui est resté en bonne partie dans son jus, avec une ambiance qui oscille entre le bohème et le délabré. C’est dans ce quartier que se trouve la « Gaijin House », une pension plutôt vétuste et mal entretenue qui, comme son nom l’indique (« Gaijin » signifie littéralement « personne de l’extérieur »), offre aux expatriés en transit la possibilité, pour un coût modeste, de s’installer quelques jours. Camille, une Française qui a laissé derrière elle son mariage, vient s’y échouer. Elle est accueillie par Flavio, un Brésilien fasciné par la culture japonaise et qui assure le secrétariat de la pension, et Lénine alias Christophe, un jeune Belge qui espère rebondir rapidement après avoir rompu ses fiançailles avec une Japonaise qui l’entretenait. Le trio, plutôt mal assorti de prime abord, va faire face, bon an mal an, aux semaines qui passent (beaucoup plus nombreuses que prévues), à cette ville aussi incroyable qu’incompréhensible, aux désillusions, à l’apathie qui semble régulièrement saisir les habitants de la pension, celle-ci jouant à merveille son rôle de marécage peu ragoûtant, qu’il est paradoxalement difficile de quitter. Avec ses descriptions d’une grande poésie des ruelles, des odeurs, du grouillement, de l’atmosphère si particulière du Japon insaisissable, Émilie Desvaux hypnotise et séduit par petites touches. Son traitement minutieux de la mélancolie, de la tentation du repli sur soi, des éclairs de vie qui pourtant jaillissent et des émotions qui s’ensuivent, son sens du mot juste parachèvent ce texte obsédant.