Bande dessinée

Lomig

Dans la forêt

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Chronique de Claire Rémy

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En 2017, les lecteurs français découvraient Jean Hegland et son glaçant Dans la forêt, roman survivaliste publié par les éditions Gallmeister et souvent comparé à La Route de Cormac McCarthy. Après avoir adapté magnifiquement Serena de Ron Rash l’an dernier, les éditions Sarbacane confient cette nouvelle mise en images à Lomig.

Pour celles et ceux qui ne l’auraient pas lu, Dans la forêt est un récit qui prend aux tripes. Nelly et Eva vivent seules au cœur des bois, recluses suite à l’effondrement de notre civilisation actuelle. Les raisons de cette apocalypse nous resteront inconnues mais il n’est pas difficile d’imaginer que les humains en sont la cause. Partout l’électricité et l’eau viennent à manquer, tout comme l’essence, obligeant bien vite les deux adolescentes à vivre en autarcie. Leurs parents étant décédés, elles apprennent à vivre seules, puisant dans les réserves et conserves amassées par leur père au début de la catastrophe. Elles occupent leurs journées à la lecture et l’écriture de son journal pour l’une, à la pratique assidue de la danse classique (sans musique du coup) pour l’autre. Ces occupations sont les dernières miettes de leur vie passée, l’espoir auquel s’accrocher pour ne pas penser à la fin. Mais entre la solitude, la peur et l’ennui, les tensions ne sont jamais loin et perturbent le fragile équilibre des deux sœurs. Elles devront pourtant rester unies dans les épreuves qui les attendent et puiser dans cette sororité pour réapprendre un mode de vie. En effet, quand les vivres commenceront à manquer, c’est la nature qui les entoure qui sera leur salut. La lecture du roman est déjà un moment âpre, un instant hors du temps où les émotions sont viscérales. La mise en images de cette ode à la lenteur et à la régénérescence des héroïnes aurait de quoi impressionner et Lomig s’en sort à merveille. Son crayonné sépia apporte à la fois la douceur et l’épuration qui siéent au récit, sans en édulcorer la noirceur et le sentiment d’angoisse persistant, notamment dans la première moitié du récit. La forêt, personnage très important du roman, n’est pas laissée de côté et son atmosphère à la fois protectrice et inquiétante est parfaitement rendue. Les rapports humains sont également au cœur de l’histoire originale et Lomig a su retranscrire les émotions fragiles et inconstantes des personnages, en perte de repères et dont le lâcher-prise se fait imperceptiblement. Plonger dans ces pages, c’est à la fois se laisser happer par une vision terrifiante de notre avenir et mettre ses certitudes de côté pour réfléchir aux solutions qu’on peut encore apporter. Rendues à elles-mêmes, Nelle et Eva ont peur de leur forêt mais vont finalement s’en faire une alliée. Puisqu’un retour en arrière ne semble pas possible, on le sait, réfléchissons plutôt à demain.