Littérature étrangère

Antonio Munoz Molina

Comme l’ombre qui s’en va

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photo libraire

Chronique de Charlène Busalli

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Antonio MuÑoz Molina raconte le séjour de James Earl Ray, le tueur de Martin Luther King, à Lisbonne alors qu’il était un fugitif en cavale. L’occasion pour l’auteur de revenir sur ses propres liens avec la ville portugaise.

James Earl Ray, alias Ramon Sneyd, s’est caché à Lisbonne durant deux semaines au cours du printemps 1968. Il était alors l’un des dix criminels les plus recherchés par le FBI après avoir assassiné Martin Luther King. Depuis le Portugal, le fugitif pensait pouvoir rejoindre l’Afrique du Sud ou la Rhodésie, deux pays qui étaient selon lui susceptibles d’accueillir à bras ouverts l’homme qui avait supprimé ce Noir gênant. Mais sa demande de visa échoua et il dut rebrousser chemin jusqu’à Londres, où il fut finalement arrêté. Antonio Muñoz Molina dresse un portrait intimiste de cet homme discret et solitaire, qu’il décrit comme légèrement hypocondriaque, bon danseur et aimant la compagnie des prostituées. Celui-ci avait déjà fait plusieurs séjours en prison pour vol et agression. Même avant d’être recherché pour meurtre, il avait pour habitude de changer régulièrement d’identité, prenant des noms d’emprunt et se faisant passer tour à tour pour un marin ou un écrivain. Mais Antonio Muñoz Molina ne s’intéresse pas seulement à cet homme pour qui Lisbonne fut comme une sorte de purgatoire. La ville en elle-même devient rapidement un personnage du livre. L’auteur y raconte ses propres séjours en commençant par le premier, alors qu’il n’était qu’un jeune fonctionnaire, marié et père depuis peu, au tout début de sa carrière d’écrivain. Il s’attelait à cette époque à l’écriture de son deuxième roman, L’Hiver à Lisbonne (Points). Les chapitres alternent ainsi entre la cavale du fugitif, et la construction d’Antonio Muñoz Molina en tant qu’écrivain. Comme l’ombre qui s’en va offre une fascinante réflexion sur la création littéraire, appuyée par une écriture absolument superbe à laquelle la traduction de Philippe Bataillon fait honneur.

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