Littérature française

Michèle Lesbre

Chère brigande

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photo libraire

Chronique de Lydie Baillie

Librairie Aux lettres de mon moulin (Nîmes)

Chère brigande est la lettre d’une femme engagée à une jeune rebelle. Trois siècles les séparent mais une belle utopie – le respect de l’être humain – les rapproche dans le rêve d’un monde meilleur.

Les romans de Michèle Lesbre sont des chemins vers des personnages singuliers. Des chemins tracés par une douce mélancolie, un style lumineux et concis. De retour à Paris avec l’hiver, après un long exil volontaire, la narratrice observe dans sa rue une jeune femme installée dans le plus grand dénuement devant une ancienne boutique. Elle a le sentiment de la reconnaître et de l’avoir déjà rencontrée chez des amis lors d’une soirée d’anniversaire. Malgré son apparence de madone hors du temps à la chevelure flamboyante, les regards d’indifférence des habitants du quartier semblent l’avoir plongée dans un état de détachement désabusé. Elle refuse toute aide, quelle qu’elle soit, de sa voisine éphémère, laissant celle-ci dans un état ambigu de gêne et de culpabilité. Avec l’arrivée des journées plus clémentes du printemps, la rebelle sans-abri disparaît, ne laissant pour seule trace qu’un graffiti sur le mur : « Où es-tu Marion ? » Cette disparition soudaine et l’inscription laissée provoquent un trouble chez la narratrice, qui se laisse tenter par le désir d’écrire une longue lettre à une autre Marion, brigande bretonne du xviiie siècle qui l’a toujours fascinée, elle qui a pour éternel refuge cette région au bord de l’océan. Marion du Faouët était une gamine effrontée qui avait grandi à l’école de la vie. Une joyeuse voleuse aux cheveux acajou, amoureuse de la vie qui enflammait le cœur des hommes et qui, comme Robin des Bois, dépouillait les riches pour redistribuer l’argent aux pauvres. La liberté était sa force. Raconter le destin de cette insoumise renvoie la narratrice à sa propre vie. Elle fait le parallèle avec ses engagements passés et se rappelle ses blessures, qui peut-être jamais ne cicatriseront mais qui ne la feront pas renoncer à ses belles utopies de femme militante au sein d’un monde abîmé.

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