Littérature française

Karim Miské

Arab Jazz

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photo libraire

Chronique de Dominique Paschal

Pigiste ()

Karim Miské, documentariste, a fréquenté les milieux néo-fondamentalistes de tout poil. Son premier polar, au tempo efficace, explore les bas-fonds dans lesquels évoluent les religieux radicaux, chrétiens, juifs ou musulmans – des sphères qui se concentrent ici au sein d’un arrondissement branché parisien, où Dieu et la drogue se disputent la première place.

Karim Miské, nouveau venu dans l’excellente collection de polars français « chemins nocturnes », dissèque la vie souterraine des quartiers populaires du 19e arrondissement de Paris, où les bobos vivent au milieu de communautés religieuses à l’identité forte. Lorsque certains Témoins de Jéhovah, juifs loubavitch ou musulmans salafistes pratiquent leur religion dans la radicalité, le pluralisme social, confessionnel et culturel en apparence harmonieux se délite. Et la mise sur le marché d’une nouvelle drogue déclenche des espérances financières plus efficaces que les prières ! Mais ce n’est pas Ahmed, dépressif notoire qui vit en reclus dans son studio encombré de livres, qui s’en préoccupe. Il comble sa solitude dans la musique, la lecture de polars, surtout américains, et veut « s’oublier en absorbant l’entièreté du monde dans un récit ininterrompu écrit par les autres ». Monsieur Paul, le libraire d’occasion, vieil anarchiste arménien, aide ce client friand de polars à contenir les monstres tapis dans sa tête. Mais un soir, alors qu’Ahmed ouvre sa fenêtre pour regarder les nuages, une goutte s’écrase sur son vêtement. Une goutte rouge, du sang tombé du ciel. Aussitôt, il pense à Laura, sa voisine du dessus, charmante hôtesse de l’air qui lui demande d’arroser ses fleurs durant ses absences. Il lève la tête et aperçoit une jambe qui pend. Le premier suspect, c’est lui, possesseur des clés de l’appartement, l’Arabe de service dépourvu d’alibi puisqu’il était seul chez lui. Malgré tout, il monte porter secours à la victime. Il pense à effacer ses empreintes sur la poignée de la porte, mais chancelle à la vue macabre d’une mise en scène savamment pensée comme une installation d’art contemporain. La réalité du sang et du rôti de porc ostensiblement posé sur la table lui ouvre les yeux. Qui a pu commettre ce meurtre sacrificiel ? Pour Laura, dont il aimait la conversation, le rire et la beauté, Ahmed décide de collaborer à l’enquête criminelle et surtout de chercher le coupable. L’enquête commence avec l’arrivée d’une équipe très soudée de jeunes policiers, le lieutenant Rachel Kupferstein et le lieutenant Jean Hamelot. Rachel découvre qu’Ahmed est un lecteur d’Ellroy. Lui qui n’a jamais rencontré une femme amateur de cet écrivain, se demande où cette découverte va le mener – remarquons que le titre, Arab Jazz, est un clin d’œil à White Jazz. L’auteur, réalisateur de documentaires sur les néo-fondamentalismes juifs, chrétiens et musulmans, insuffle à son roman un rythme qui ne se relâche jamais.

 

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