Littérature française

Aki Shimazaki

Yamabuki

illustration
photo libraire

Chronique de Catherine Le Duff

()

Délicate et rare, la parcimonieuse Aki Shimazaki nous rappelle que le meilleur de certains romans, c’est bien l’attente. Elle nous livre le cinquième volet du cycle Au cœur du Yamato, qui se déroule au cœur de son Japon natal et de la famille Toda.

C’est l’histoire de la petite poésie du quotidien. L’histoire d’un coup de foudre dans le train. L’histoire d’un Japon tiraillé entre ses traditions et ses révolutions. C’est avant tout l’histoire d’une femme qui se raconte et plonge dans quelques souvenirs au crépuscule de son existence. Aïko et Tsuyoshi Toda vivent ensemble depuis cinquante-six ans. Des années de labeur et de voyages aux quatre coins du globe, suivies d’années de quiétude et de balades, ensemble toujours. Entourés d’une famille à l’histoire émaillée de secrets et de tendresse retrouvée, la vieillesse les a surpris, mais ils continuent à partager le bonheur d’être deux et profitent des joies simples offertes par le parc voisin, d’odorantes plantes et les visites impromptues de leur presque nièce Zakuro. Au fil des pages et des mots d’Aïko, ces vieux êtres qui s’aiment prennent corps et nous offrent les tourments et les joies de leur vie avec une sobriété et une grâce sans égal. Aki Shimazaki écrit comme il est possible de vivre, paisiblement, un sourire invincible et tranquille au coin des lèvres. Et comme nos vies, ses romans demeurent, fragiles, éphémères, sans cesse à la recherche d’un équilibre salvateur. Elle sonde des cœurs simples et élégants, n’éludant ni les aléas du temps qui passe ni la joie de celui encore à venir. Ses personnages prennent forme au fil de ses romans, et au plaisir de rencontrer des hommes et femmes dans leur singularité s’ajoute celui de reconstituer le puzzle de leurs vies entrelacées. Portées par une écriture humble, ses petites gourmandises littéraires se savourent et nous laissent soufflés de tant de beauté. Heureux à en croire que le monde peut encore, le temps d’un livre, s’arrêter de tourner.