Littérature française
Maëlle Guillaud
Une famille très française
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Maëlle Guillaud
Une famille très française
Éditions Héloïse d’Ormesson
12/04/2018
208 pages, 17 €
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Chronique de
Anne Lesobre
Librairie Entre les lignes (Chantilly) - ❤ Lu et conseillé par 13 libraire(s)
✒ Anne Lesobre
(Librairie Entre les lignes, Chantilly)
Après Lucie ou la vocation, premier roman étonnant sur l’absolutisme et la foi (Héloïse d’Ormesson et Points), Maëlle Guillaud nous raconte, avec beaucoup de justesse et de subtilité, les tourments d’une adolescente qui a du mal à s’accepter et dont l’idée qu’elle se fait de la perfection la détourne de sa famille. Un texte rythmé par de courts chapitres qui ne manquent pas de souffle.
Charlotte grandit tranquillement, entourée de parents aimants et particulièrement choyée par sa mère, un peu possessive, il faut bien le reconnaître. Le jour où Jane, nouvellement arrivée dans sa classe, s’assied à côté d’elle, elle n’en revient pas qu’une fille aussi élégante et délicate s’intéresse à elle. Comme toutes les adolescentes, elle se sent perpétuellement en décalage, souvent en proie au doute, complexée ; elle n’aime ni ses rondeurs, ni ses épais cheveux bouclés et sa « beauté orientale », comme dit joliment sa mère, lui saute au visage. Tout l’oppose à Jane. Quand elle est invitée chez son amie, elle remarque tout ce qui les différencie et ne retient que la distinction et le chic de la mère de Jane, ses mille et une façons d’assortir foulards et colliers de perles, et surtout l’harmonie qui règne dans cette maison aux couleurs douces. Tout le contraire de sa famille qu’elle juge alors bien trop exubérante, intrusive, bruyante et mal fagotée, sa mère en caleçon informe et sa grand-mère en caftan. Elle en éprouve de la honte et, pourtant, elle perçoit bien de la part des parents de son amie une arrogance et une condescendance qui ne sont pas sans lui causer un certain malaise. Un soir, elle est épouvantée par le père de Jane qui l’approche d’un peu trop près, mais elle continue à être irrésistiblement attirée par cette famille. Elle tombe d’ailleurs amoureuse de Gabriel, le frère aîné de Jane. Jusqu’au drame. Un drame qui la terrorise, qui la ronge et dont elle ne peut s’ouvrir à personne car elle a promis de se taire, cédant à un chantage abject qui la lie, pense-t-elle, au père de Jane. Cependant, elle part étudier à Paris, se fait d’autres amies à la fac et voit moins souvent Jane qui la déroute avec un comportement capricieux ; elle vit chez sa grand-mère, renouant avec la convivialité et la chaleur de la vieille femme marocaine. Une belle complicité les unit, une tendresse et un amour sans faille. Pourtant, même si elle se rend compte de la lâcheté de Gabriel, des crises de jalousie et de l’agressivité de Jane, et aussi de l’arrogance des parents, elle reste empêtrée dans ses contradictions et n’arrive pas à échapper à l’emprise de cette famille bien sous tout rapport, « bien française ». Il lui faudra encore affronter la mort de sa grand-mère pour comprendre combien les apparences sont trompeuses, surmonter ses hésitations, faire confiance à ceux qui comptent vraiment pour mieux grandir. C’est un roman qui illustre parfaitement ce moment de l’adolescence où l’on ne se sent exister que dans le regard des autres, de l’importance de s’en libérer et d’être soi-même dans une société marquée par les normes, l’hypocrisie et le mépris.