Littérature française

Franck Bouysse

L’Homme peuplé

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photo libraire

Chronique de Laure Simoes

Librairie Petites histoires entre amis (Chennevières-sur-Marne)

Fidèle à la terre, Franck Bouysse nous plonge à nouveau dans un univers paysan où les rancunes et les malédictions s’enracinent dans un sol ancestral, empoisonnant les sources comme les êtres humains.

Comme sa mère, Caleb possède le don de guérir. Pourtant il refuse de s’en servir sur les humains. Comme sa mère, il vit terré dans leur vieille ferme, insensible à la crainte haineuse des villageois. Nous voilà plongés dans ce monde paysan aux rancunes si tenaces qu’elles en deviennent une malédiction. Mais à la figure du rebouteux s’ajoute celle de l’écrivain, hanté par la page blanche, venu chercher dans la solitude ce que la ville ne peut plus lui offrir. Installé à côté de ce voisin énigmatique, il découvre peu à peu les enjeux qui le cernent – et les fantômes du passé ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Mêlant adroitement les destinées de ses personnages, Franck Bouysse explore les méandres de l’humain enfermé dans la tragédie de la vie et vibrant de désir, telle une mouche prise au piège de la toile de son créateur. Ses personnages sont avant tout des hommes brisés par la vie, salis par les secrets, emportés dans une ronde de fantômes insatiables. Caleb, Paul, Harry et les autres sont des êtres de la terre qui ne peuvent la quitter. Tandis que Caleb ne peut quitter sa mère pour se dessiner un autre avenir, Harry doit plonger dans ce monde terrien pour retrouver enfin la flamme de l’écriture et appréhender des êtres que seul un écrivain peut rendre beaux. Franck Bouysse continue son exploration de l’âme humaine, portée par des désirs qui la dépassent et donc incapable de résister à ses instincts les plus profonds. Domination, possession, vengeance répondent à la beauté sauvage de la nature. Dans ce roman où il mêle avec brio les époques, il propose aussi une réflexion sur le rôle et le travail de l’écrivain, pour lequel la « vérité » des êtres frustes et taiseux devient un véritable retour aux sources.