Littérature étrangère

Peter Stamm

L'Heure bleue

MB

✒ Margot Bonvallet

(Librairie Passages, Lyon)

Un nouveau livre de Peter Stamm, c’est toujours une étincelle de plaisir, surtout quand celui-ci est légèrement différent des précédents, sans l’être tout à fait. Un récit à la fois touchant, poétique, intime et universel. Tout un talent redéployé. Rares sont les auteurs dont on reconnaît la plume dès les premières lignes. Peter Stamm fait partie de ceux-là.

L’Heure bleue est une histoire où il est question, entre autres, de création, d’art, d’existences lues en strates, de sentiments, d’écriture et de livres, d’un amour retrouvé, jamais oublié, comme une clé de lecture de soi. Tout cela autour d’Andrea, la narratrice, réalisatrice de films documentaires d'une quarantaine d'années. Andrea et son petit ami Tom espèrent beaucoup de leur projet de film à propos de Richard Wechsler, écrivain mystérieux, fort d’un succès précédent. Le travail commence par des conversations dans des cafés et des promenades le long de la Seine avec cet auteur dont Andrea se surprend à apprécier la compagnie. Il s’agira ensuite de se rendre dans le village natal de l'écrivain, en Suisse, pour d'autres entretiens avec des images dans le décor de son enfance. Mais au rendez-vous, l’auteur ne se présente pas. Face à cette absence, cet échec possible du projet, Andrea doit se contenter d’indices trouvés dans ses livres mais aussi de rares rushes pour obtenir des réponses à ses questions. Ayant flairé un possible secret troublant, via une allusion à un amour de jeunesse de Wechsler, Andrea rencontre Judith, une femme qui pourrait bien être la muse de l’auteur, inspiratrice d’un personnage qui revient sans cesse dans ses romans. Andrea noue avec elle un lien amical et salvateur dans la période étrange qu’elle traverse. Peter Stamm poursuit, dans L’Heure bleue, son exploration du réel avec le ton juste et sensible qui le caractérise, savant mélange d’ironie et de délicatesse, et une construction prenant en considération l’intelligence du lecteur. Au fil des pages, la narratrice semble elle-même prendre conscience de sa propre ambivalence. Car Wechsler n'est pas vraiment le centre de cette histoire, c’est plutôt Andrea. Peter Stamm cisèle encore une fois un récit fascinant qui suscite la curiosité et la réflexion grâce à des jeux de doubles et d’illusions, la réalité et la fiction se confondant. Chez Peter Stamm, rien n'est évident et c’est ce qui rend tous ses romans passionnants.

Les autres chroniques du libraire