Polar

Previous Next
MB

✒ Margot Bonvallet

(Librairie Passages Lyon)

Voici deux opus de ces classiques incontournables consacrés à la revanche des humiliés. Une communauté de paysans répond à la violence des puissants, avec droiture et acharnement dans Y'a pas de Bon Dieu ! de Jean Amila. Horace McCoy se lance quant à lui dans une recherche éperdue de liberté d’expression et d’objectivité journalistique dans Un linceul n’a pas de poches.

Y’a pas de Bon Dieu !, paru en 1950, fut le premier roman de Jean Amila paru en « Série noire », présenté comme roman américain et inventant à cet effet un traducteur du nom de Jean Meckert. Belle ironie puisque c’était le pseudonyme de l’auteur lui-même pour qui écrire était « revendiquer une place dans l’univers, (…) revenir sur l’Histoire pour l’éclairer et lui donner un sens ». Le roman se passe aux États-Unis dans les années 1950. Nous suivons Paul Wiseman, jeune pasteur méthodiste dont la paroisse et les habitants sont menacés d’expropriation par un entrepreneur désireux de construire un barrage dans la région ; entreprise qui noierait le village sous les eaux. Aidé de quelques congénères, il essaiera de résister. L’histoire offre une fine galerie de personnalités en lutte contre le chacun pour soi et traite, à sa façon, de la domination capitaliste et de la solidarité de petites gens, prêts à tout pour conserver leur dignité. Une résonance avec l’actualité qui fait mouche.

De son côté, Un linceul n’a pas de poches, publié en 1946, fait lui aussi écho avec l’actualité puisqu’il marie scénario classique de polar, critique acerbe des dérives politiques et violent réquisitoire contre la corruption et l'hypocrisie de la société en général. McCoy nous dresse donc un portrait sinistre des États-Unis : censure de la presse, extrémisme, Ku Klux Klan... Portrait que l’auteur paiera très cher : son roman ne sera pas publié en Amérique mais en Angleterre et ensuite en France, dans une version très largement remaniée et censurée. Ce qui est le comble de l’ironie puisque le sujet est précisément la lutte pour la liberté d’expression ! Rien, ici, rien n'est habituel. Ni l’enquête, ni le crime, ni la plume trempée dans le vitriol : cynisme à tous les étages, personnages haut en couleur et un enquêteur rempli de défauts et de paradoxes révélateurs. Deux rééditions incontournables et intemporelles à mettre en regard, donc.