La Mémoire est une chienne indocile

Tout juste libéré de prison, Lamont Williams entame une période probatoire au service d’entretien du grand centre de cancérologie de Manhattan. Le succès de cette réinsertion est crucial pour lui ; c’est son unique espoir de retrouver un jour sa petite fille dont il a perdu la trace au fil de ses péripéties malheureuses avec la justice. Les hasards des rencontres lui font nouer une improbable amitié avec un vieux patient, juif polonais rescapé des camps de la mort. À quelques kilomètres de là mais dans un quartier beaucoup plus chic, Adam Zignelik, professeur d’histoire à Columbia et fils d’un héros du mouvement pour les droits civiques, subit l’effondrement simultané de sa carrière et de son couple. Il est sur le point d’être renvoyé de l’université, et Diana, l’amour de sa vie, le quitte. Lui qui a été élevé dans un humanisme à fleur de peau et une rigueur morale irréprochable, vit cette épreuve comme un injuste châtiment. Ravagé par la dépression, hanté par de noires pensées, il découvre dans les archives des enregistrements inconnus d’une portée historique considérable : les premiers témoignages sonores des survivants de l’Holocauste. Ces voix que le monde entier doit entendre lui redonnent l’estime de soi, relancent sa carrière et lui permettent de reconquérir la femme qu’il aime. Elliot Perlman interroge ici, avec autant d’humanité que d’acuité, et dans une construction narrative d’une virtuosité époustouflante, une partie de l’histoire du xxe siècle – de la Shoah au mouvement pour les droits civiques, du fin fond des ghettos d’Europe de l’Est à ceux du Bronx –, intimement liée au destin personnel de Lamont, d’Adam et de la myriade de personnages qui les entoure dans le New York d’aujourd’hui. La mise en parallèle et en parenté des différentes atteintes aux droits de l’homme et des souffrances humaines est une véritable leçon pour les temps à venir.