Littérature française

Gaspard Kœnig

Humus

✒ Victoire Vidal-Vivier

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Se jouant des codes de la fiction et des limites des genres littéraires, Gaspard Koenig fait une entrée fracassante dans cette rentrée littéraire, avec un grand roman à la fois symbole et synthèse de notre époque.

Impossible de classer Humus, dans lequel l’auteur prend plaisir à mélanger les genres. On pourrait le prendre au départ pour un roman social puis pour un roman écologiste flirtant de très près avec l’essai d’agronomie. On comprend aux dernières pages qu’il s’agit d’une dystopie englobant toutes ces thématiques. Le roman, puisque nous sommes avant tout dans une fiction, surprend et peut bousculer dès les premiers chapitres où deux jeunes étudiants, en passe de valider leur diplôme d’ingénieurs agronomes, se lient d’amitié et se prennent de passion pour les vers de terre. Alors que leur école a institutionnalisé la rébellion, ils assistent à un cours dispensé par un expert en la matière et décident qu’ils voueront leur carrière à tenter de redorer l’image des vers de terre, pour les inclurent dans la transition écologique. Chacun des deux amis choisira sa route : l’un en reprenant une exploitation agricole abîmée par des années de traitements chimiques pour ramener de la vie dans le sol ; l’autre en lançant une entreprise de lombricomposteurs individuels d’appartement. Situé dans un futur proche, légèrement décalé du présent pour en permettre une analyse mordante, le récit est une critique sociale et sociétale au vitriol, d’un cynisme consommé et bien senti. La maîtrise des éléments techniques et la connaissance des rouages du pouvoir viennent appuyer le roman et lui donner une dimension presque didactique passionnante, permettant au lecteur de ne pas rester à la surface des choses. Jusqu’au-boutistes, les personnages incarnent à la perfection l’absurdité et les contradictions d’une société en bout de course qui s’enfonce dans ses manquements. Indubitablement une réussite, Humus est de ces romans singuliers qu’on lit avec attention et qui marquent l’esprit.

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