Essais

Carmen Bernand

Histoire des peuples d'Amérique

illustration
photo libraire

Chronique de Emmanuel Vacher

()

Loin du fantasme des « Indiens d’Amérique » qui a excité l’imaginaire européen, Carmen Bernand écrit le parcours de la nébuleuse sociétale des Amériques, dans Histoire des peuples d’Amérique.

L’ anthropologue et ethnologue française nous permet de faire mieux connaissance avec une Histoire qui nous échappe, celle des peuples d’Amérique. On constate qu’ils ont été perméables très tôt aux cultures venant du Pacifique et de l’Atlantique. Des Vikings aux invasions venues d’Asie, les fronts côtiers ont été marqués par les échanges : économiques, culturels, mais aussi par les brassages génétiques. Cette dynamique influence aussi l’intérieur du continent et cette masse vivante, captivante et hostile qu’est la forêt amazonienne. Il est alors fascinant de constater, dans le temps long, comment les peuples ont dû se construire autour d’une culture de la contrainte. Celle du milieu qui a permis la mise en place d’une ingénierie complexe hors normes et une richesse de croyances basées sur un rapport unique entre nature et culture. Celle, plus dramatique, des conquêtes européennes qui s’approprient les richesses et imposent le métissage des croyances. Leurs parcours enseignent qu’adaptation n’est pas renoncement. Afin de dresser une Histoire ambitieuse des peuples d’Amérique, la chercheuse adopte une méthode pluridisciplinaire rigoureuse. Tout d’abord, elle s’est basée sur un corpus de sources foisonnant. On y trouve des données issues de l’archéologie, de la paléo-génétique, un travail d’exploitations de nombreuses archives des deux Amériques et de l’Histoire de l’art. Ces données sont d’autant plus nécessaires qu’elles déconstruisent, un par un, l’ensemble des mythes qui façonnent l’idée que l’on se fait des Amérindiens dans leur globalité. L’ouvrage réussit un tour de force : montrer que l’Histoire n’appartient pas qu’aux seuls historiens. Mieux, il montre une nouvelle fois que la discipline gagne en crédibilité en s’adaptant aux autres sciences sociales qui se l’approprient.