Littérature française
Kim Thuy
Em
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Kim Thuy
Em
Liana Levi
11/03/2021
160 pages, 15 €
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Chronique de
Laura Picro
Librairie L'Arbre à lettres (Paris) -
❤ Lu et conseillé par
9 libraire(s)
- Geneviève Gimeno de Maupetit (Marseille)
- Nathalie Claudel de La Compagnie des livres (Vernon)
- Martine Coussy de Entre les lignes (Chantilly)
- Gabriel Pflieger de Vivement dimanche - La Benjamine (Lyon)
- Delphine Olivier-Auzie de Le Pain de 4 livres (Yerres)
- Lydie Baillie de Aux lettres de mon moulin (Nîmes)
- Eva Brayet de municipale de Wissous (Wissous)
- Maria Ferragu de Le Passeur de l'Isle (L'Isle-sur-la-Sorgue)
- Olivier Gallais de Les mots et les choses (Boulogne-Billancourt)
✒ Laura Picro
(Librairie L'Arbre à lettres, Paris)
En rassemblant des fragments de vies éparpillés par la guerre, Kim Thúy recompose tout un pan tourmenté de l’histoire du Vietnam dans un roman court et intense.
Le roman s’ouvre sur des larmes, celles des arbres : les larmes d’hévéas, l’or blanc, que la France a fait venir de l’Amazonie au Vietnam pour entrer dans la course au caoutchouc. Une première violence puisqu’il a fallu arracher des forêts de bambous pour créer ces plantations : pour la France, le Vietnam était considéré « comme une zone d’exploitation économique plutôt que comme une colonie de peuplement ». Mais la colère sourd déjà, la terre n’est pas la seule tyrannisée et les hommes se rebellent. Quelle folie de croire que le Vietnam se laisserait faire ! En dépit de l’adversité, de la haine, une histoire d’amour fleurit entre Mai, la coolie, et Alexandre, le propriétaire. Ils donnent naissance à Tâm, « le cœur », « une fleur fanée dès l’enfance », marquée par la perte, l’arrachement brutal qui touchera tous les personnages de ce roman. Arrive ensuite la « guerre du Vietnam » ou « la guerre américaine », selon les points de vue. Car les mots ont leur importance pour Kim Thúy : titres graciles sur les couvertures de ses romans ou au début de chaque chapitre, elle mêle le vietnamien et le français, les noms communs ou les prénoms, enfants métis de deux cultures comme Louis et Em Hong qui prennent le relais du récit. Nés des brèves étreintes entre Vietnamiennes et soldats américains dans les bars de Saïgon, ils errent dans les rues de la ville jusqu’à l’arrivée des communistes qui marquent pour eux un autre départ. Rien n’est permanent, il faut avancer, se relier. Car c’est une histoire de rencontres aussi. Les blessures ne sont pas encore cicatrisées, le Nord et le Sud ne sont pas encore réconciliés, mais des rencontres naît la lumière. Vers la fin, Kim Thúy laisse partir son histoire pour ne citer que quelques faits historiques, laissant les larmes couler vers la mer.