Jeunesse

Claude Fauque , Anne Lascoux

Secrets d’étoffes

illustration

Chronique de Aude Marzin

Librairie Plaisir de lire (Plaisir)

Pour beaucoup de nos contes traditionnels, le point commun est le fil cardé ou tissé. Du Petit Chaperon Rouge à Barbe Bleue, en passant par La Belle et la Bête, ou encore Peau d’Âne, à chaque fois les vêtements ou étoffes, voire la couleur, y ont une place importante… embarrassant ou libérant l’héroïne.

Le fil d’Ariane que nous suivrons tout au long de cette histoire est le tissu, l’étoffe aussi belle que chatoyante. Une langue riche et poétique sert cet album aux illustrations colorées et profondes. Au fil des pages, l’ampleur des expressions relatives au fil, tissu ou étoffe peut surprendre, mais c’est une véritable ode aux textiles qui nous est proposée. Venez y enrichir votre vocabulaire et surtout découvrir toutes les accointances entre les tissus et la tradition orale populaire. Dans les contes et récits du monde entier, qui nous sont racontés depuis que nous sommes tout petits, il est question de fileuses hors pair ou de femmes qui revêtent des étoffes précieuses afin de se protéger d’un homme ou d’épouser leur fiancé. De l’Araignée passionnée de coton qui apprit à une femme à le filer puis à le tisser, en passant par les trois fileuses qui permirent à une jeune fille de devenir Reine en filant en une nuit trois pièces pleines de chanvre, de lin et de laine cardée. Il apparaît que le fil, sa matière et sa couleur sont très importants. Ainsi ce roi, parti découvrir son royaume et ses sujets incognito, ne dut la liberté qu’à une étoffe tissée par ses soins et envoyée à la reine. Cette dernière reconnut en elle l’étoffe de son mariage tissée par son mari, avec un fil rouge sang supplémentaire qui traçait un appel au secours qu’elle sut déchiffrer. Elle put ainsi envoyer des soldats afin de le libérer. Ou encore cette jeune fille qui fuit le royaume de son père qui avait décidé de l’épouser après l’avoir vue vêtue d’une robe de sa mère décédée quand elle était enfant. Il lui fit coudre trois robes somptueuses pour la convaincre de l’épouser. Horrifiée, la jeune fille emporta les trois robes dans une noisette, une amande et une noix, et partit à dos d’âne pour un royaume voisin. À la mort de sa chère bête, elle se revêtit de sa peau afin de repousser tous les curieux. Jusqu’à ce que le fils d’un autre roi la découvre au détour d’un chemin et tombe éperdument amoureux d’elle. Il parvint à convaincre sa mère d’épouser cette fille inconnue qui lors des noces révéla son identité grâce à ses trois robes. Son père fut donc contraint d’abdiquer. Petit à petit, une maille à l’envers, une maille à l’endroit, le tricot de l’histoire monte, monte et se trouve tricoté. Par-delà les contes, il est aussi question de l’histoire et des origines du tissu. Combien d’hommes et de femmes pour comprendre comment filer ces fibres, fleurs ou cocons de papillon ? Combien d’autres pour découvrir comment tisser les bobines ainsi obtenues ? Et pour finir qui eut l’idée de teinter ces tissus pour en faire ces étoffes scintillantes, veloutées ou encore chatoyantes ? Toutes ces personnes, au fil des siècles, sont parvenues à faire du tissu un art et de certaines étoffes de véritables œuvres d’art. Autant objet du quotidien, avec ses cotonnades rugueuses et résistantes pour en faire des vêtements de travailleurs, qu’étoffe de luxe et d’exception avec ses plus riches soies et dentelles rares, le tissu est un des points communs de tous les hommes : suivant l’occasion ou l’usage, nous favorisons telle ou telle étoffe. Ouvrage absolument magnifique dans le récit des contes, mais également par ses illustrations hors pair ou encore ses découpes laser, cet album, au-delà de ce qu’il nous raconte, est un superbe objet. Sa couverture tissée au toucher velouté nous fait la caresser avec plaisir : autant par le toucher, que par la vue cet ouvrage comblera ses lecteurs.

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