Littérature étrangère
Marieke Lucas Rijneveld
Qui sème le vent
-
Marieke Lucas Rijneveld
Qui sème le vent
Traduit du néerlandais par Daniel Cunin
Buchet Chastel
20/08/2020
352 pages, 20 €
-
Chronique de
Joachim Floren
Librairie Le Matoulu (Melle) -
❤ Lu et conseillé par
6 libraire(s)
- Nadia Sendin de BDP de la Gironde (St Medard en Jalles)
- Aurélie Janssens de Page et Plume (Limoges)
- Sarah Gastel de Adrienne (Lyon)
- Magalie David de Lycée Jules Fil (Carcassonne)
- Audrey Andriot de Jonas (Paris)
- Alexandra Villon de La Madeleine (Lyon)
✒ Joachim Floren
(Librairie Le Matoulu, Melle)
Avec ce magnifique roman dans la grande tradition du rural noir, Marieke Lucas Rijneveld nous emmène en pleine campagne hollandaise chez une famille paysanne protestante et austère. Il va y être question de deuil, de construction de soi lorsqu’il n’y a pas les codes.
Dans les années 2000 – mais on pourrait imaginer une scène du siècle dernier –, à l’approche de Noël, l’hiver est glacial et la vie rude pour cette famille, même si rien ne transparaît, c’est l’habitude. Généralement, il y a peu d’échanges chez eux. De toute façon, si les enfants ne disent pas les bons mots, leur mère se charge de leur laver la bouche au savon. Mais voilà, un soir, le grand frère s’amuse à menacer sa petite sœur de manger son lapin°: elle va alors prier très fort pour que son lapin vive plutôt que son frère. Sa prière est exaucée : son frère parti patiner sur un lac glacé meurt le soir même. La narratrice de 10 ans est alors hantée par la culpabilité et frappée par un deuil dont elle ne sait que faire. Le père devient distant, la mère psychotique car dans cette famille, l’émotion n’a pas sa place, les parents ne prennent pas la peine de lui expliquer, de la consoler, ils s’en remettent à Dieu. Il est clair que la tristesse n’a pas sa place entre les corvées à la ferme et l’omniprésence de la religion. La folie s’immisce peu à peu dans la routine quotidienne car la mort y est malgré tout omniprésente. La dureté du travail à la ferme se conjugue à la dureté du deuil et à l’absence de sentiments. C’est aussi le passage de cette petite fille vers l’adolescence dans un cadre où la sexualité est un tabou absolu et son grand frère ne fait rien pour l’aider. Il est beaucoup question de désir, de découverte du corps à hauteur d’enfant, empreint d’une violence et d’une cruauté qui ne devrait pas être. Le mal-être suinte par tous les pores et il a l’air difficile de dépasser ce drame dans cette famille bigote austère. Un récit au style puissant qui vous hantera longtemps et une fin à couper le souffle !