Bande dessinée

Cyril Bonin

Les Dames de Kimoto

✒ Arnaud Bresson

(Librairie Sauramps Comédie, Montpellier)

Le portrait de la gent féminine de la lignée des Kimoto comme prétexte à l’évocation de la condition des femmes dans le Japon de la fin du XIXe siècle jusqu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale : c’est ce que nous propose Cyril Bonin dans son nouvel ouvrage. Mais pas seulement.

Les Dames de Kimoto est initialement un roman de l’auteure japonaise Sawako Ariyoshi, paru en 1959. Cyril Bonin n’en est pas à sa première adaptation romanesque. Il a déjà prêté son dessin fin et subtil à la mise en images de La Délicatesse de David Foenkinos ou de La Belle Image d’après Marcel Aymé (Futuropolis). Nous suivons ici l’histoire de la famille Kimoto et plus particulièrement les femmes de cette dynastie. Élevée par sa grand-mère Toyono, Hana, jeune fille éduquée, à la fois belle et intelligente, arrive à l’âge du mariage. Dans la tradition japonaise, c’est la famille de la future mariée qui choisit l’époux, selon des critères de respectabilité et de richesse de la famille de celui-ci. Mais dans cette famille atypique, ce sont les femmes, Hana et Toyono, qui vont imposer leur choix au chef de famille. Cependant, dans ce Japon de la fin du XIXe siècle où les traditions féodales sont encore omniprésentes, Hana, malgré ses diplômes universitaires, va devenir une épouse soumise, cantonnée à un rôle de représentation et de conseil auprès de son mari, Keisaku, sage et habile politicien. Le poids du protocole, la place et le rôle de chacun, figés, précis, font que le moindre écart peut couvrir une famille de honte. Fumio, la fille cadette de Hana, a néanmoins le caractère pour s’opposer à ces diktats. Après la Première Guerre mondiale, le Japon évolue toutefois un peu sur ces questions. Rebelle et atypique, Fumio travaille, ce qui reste mal vu par la société japonaise. Elle finit par se marier et donner naissance à une fille, Hanako. Celle-ci, élevée en partie aux États-Unis et à Java, va créer la synthèse entre les traditions du pays du Soleil Levant et les mœurs du Nouveau Monde. Elle perpétue également la relation grand-mère/petite-fille en étant très proche d’Hana, comme celle-ci l’était de Toyono. Cette fresque familiale est totalement immergée dans l’Histoire de la première moitié du XXe siècle. Cyril Bonin y décrit la place prépondérante de la tradition : les kimonos, qui ont chacun une fonction précise, la cérémonie du thé, la place du cadet n’ayant droit qu’à l’héritage que l’aîné veut bien lui accorder et surtout la place de la femme dans la société et son évolution au cours de cette période si riche en événements. Il évoque également la difficulté des relations familiales et la transmission entre générations. Son dessin délicat plonge littéralement le lecteur dans ce Japon nostalgique. Les couleurs pastel choisies, raffinées et si loin de l’imagerie picturale japonaise, se marient magnifiquement au trait de l’auteur. L’ensemble fait des Dames de Kimoto une très belle réussite.

Les autres chroniques du libraire