Essais
Michel Pastoureau
Le Roi tué par un cochon
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Michel Pastoureau
Le Roi tué par un cochon
Seuil
03/09/2015
256 pages, 21 €
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Chronique de
Rodolphe Gillard
Librairie des Halles (Niort) -
❤ Lu et conseillé par
9 libraire(s)
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✒ Rodolphe Gillard
(Librairie des Halles, Niort)
Porcus diabolicus ! C’est un vulgaire cochon qui fut à l’origine, en 1131, de la mort infâme du Prince Philippe. Cette date, disparue des manuels, marque selon Michel Pastoureau un tournant dans la symbolique royale.
Ce régicide, nul n’était mieux placé pour le traiter que Michel Pastoureau. L’historien se penche depuis tant d’années sur l’histoire des animaux qu’il allait bien finir par tomber dessus ! Cet événement fait sans nul doute partie des morts les plus ridicules de l’Histoire de France, mais a eu des conséquences importantes passées sous silence jusqu’à maintenant. Philippe s’était fait désigner successeur de son père Louis VI quand celui-ci viendrait à mourir. « Roi désigné » donc, mais roi tout de même ! Un beau soir d’octobre 1131, ce jeune roi de 15 ans s’en revenant de la chasse, croisa la route d’un porc dans les rues de Paris ; son cheval s’y empêtra, fit tomber le roi et finit par l’écraser ! Les chroniqueurs de l’époque invoquèrent le destin : le fatum tombait sur la monarchie ; et surtout les détails de cette mort, une mort causée par un cochon, était une véritable souillure sur la dynastie capétienne, une honte qu’il fallait coûte que coûte laver ! Pastoureau n’a pas son pareil pour débusquer les petites histoires de France qui éclairent d’un jour nouveau la « grande » Histoire : les procès intentés aux cochons au Moyen Âge, dit-il, sont révélateurs des mentalités, bien plus que d’autres procès ! Le porc avait en effet très mauvaise presse à l’époque : répugnant, il était aussi associé à la luxure et faisait déjà l’objet d’interdits alimentaires. Bref, symboliquement une mort causée par un porc était la pire des calamités. Mais dans cette micro-histoire, chaque détail compte, que Pastoureau décortique avec son soin coutumier : qu’apprend-on sur le physique du roi, ainsi que du roi désigné ? Ils étaient tous les deux gros, voire obèses, ce qui certes était un attribut royal à l’époque, mais les rapprochait fâcheusement, sur le plan symbolique, du porc régicide ! On assiste dès lors à une véritable écriture-camouflage de l’Histoire de la part de l’abbé Suger, de saint Bernard et de Louis VII en personne ! Ce dernier, dont la carrière ecclésiastique fut écourtée, associa la sainte Vierge à son règne : de fil en aiguille, le lis et l’azur sont devenus les attributs privilégiés de la Vierge, puis de la royauté. Ces emblèmes acquirent une telle force dans les années qui suivirent le régicide honteux, que ce dernier finit par disparaître des consciences.