Essais
Peter Trawny
Heidegger et l’antisémitisme
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Peter Trawny
Heidegger et l’antisémitisme
Traduit de l’allemand par Julia Christ et Jean-Claude Monod
Seuil
11/09/2014
176 pages, 16 €
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Chronique de
Rodolphe Gillard
Librairie des Halles (Niort) -
❤ Lu et conseillé par
2 libraire(s)
- Cyril Canon
- Rodolphe Gillard de des Halles (Niort)
✒ Rodolphe Gillard
(Librairie des Halles, Niort)
En mars dernier paraissaient en Allemagne ce qu’on appelle les Cahiers noirs, dans lesquels Heidegger vocifère son antisémitisme. Retour sur l’histoire d’un scandale avec cet essai de Peter Trawny.
Peter Trawny, directeur de l’Institut Martin Heidegger à l’université de Wuppertal, signe un essai intellectuellement courageux : en effet, comme il le note lui-même, il pourrait bien voir, dans les années qui viennent, son champ d’étude totalement ruiné à la suite de la parution de ces Cahiers. De fait, même si la réputation de Heidegger était jusqu’ici entachée par son soutien actif au régime nazi, jamais le grand public n’avait eu accès à des manuscrits où son antisémitisme s’étale au grand jour. Cet antisémitisme propre à Heidegger, Peter Trawny le nomme « antisémitisme inscrit dans l’histoire de l’être ». La formulation de ce concept n’est pas inutilement alambiquée, mais sert à distinguer l’antisémitisme national-socialiste de celui de Heidegger. Au cours des années 1930 et 1940, sa philosophie de l’histoire, qui subit l’influence de Nietzsche, prend un tour profondément pessimiste. À moins d’un « nouveau commencement », que seuls, à ses yeux, les Allemands peuvent faire advenir, il envisage la « fin de la métaphysique ». Il faut noter que ceci n’est pas nouveau en soi, Heidegger étant connu pour ses positions critiques à l’égard de la technique. Cependant, c’est l’antisémitisme qui innerve ses conclusions ultimes, qui possède un caractère inédit. Il développe un récit de l’ « histoire de l’être » dans lequel il oppose « pensée méditante » et « pensée calculante », cette dernière caractérisant la judéité. Une terminologie antisémite, comme le note douloureusement Trawny, se développe alors. La « juiverie mondiale » serait responsable de la « rationalisation et de la technisation totalisantes du monde », et celle-ci « contaminerait » la « race » allemande. Peter Trawny aboutit à cette conclusion, dans un livre où le sujet de la contamination est partout présent : « Désormais toute tentative visant à isoler l’antisémitisme de Heidegger, afin de dégager d’autres sphères de sa pensée qui seraient dépourvues d’antisémitisme, sera sujette à caution. »