Essais

Andreï Gratchev

Le Passé de la Russie est imprévisible

BM

✒ Bertrand Morizur

(Librairie L'Arbre du Voyageur, Paris)

Mêlant autobiographie et recueil d’analyses politiques, l’ouvrage d’Andreï Gratchev propose un panorama stimulant des soixante-dix dernières années en Russie. Un essai sans concessions et pourtant débordant d’optimisme.

À mi-chemin des essais historiques documentés et des romans qui évoquent la dissidence en URSS, cet essai d’Andreï Gratchev mêle souvenirs et analyses politiques à travers un grand demi-siècle d’histoire russe. L’auteur, né en 1941, a mené une brillante carrière de journaliste et de politologue, qui l’a conduit à participer au gouvernement de Mikhaïl Gorbatchev en tant que porte-parole et conseiller. Ce spécialiste des relations internationales possède un ton inimitable pour relater les soubresauts de l’histoire de son pays. Ainsi, lorsqu’il met en perspective la crise actuelle entre la Russie et l’Ukraine, il rappelle les rapports mouvementés qui ont toujours rythmé les relations entre les deux pays depuis l’effondrement de l’Union soviétique, non sans une certaine ironie. En effet, l’auteur n’est pas nostalgique, il est lucide : il conçoit cette rétrospective comme un « journal de bord », ainsi que l’indique le sous-titre de l’ouvrage, ce qui indiquerait une position de navigateur tout autant que de passager. Sa position de témoin n’est d’ailleurs pas privilégiée, du moins jusqu’à la Perestroïka. Auparavant, c’est l’aventure ordinaire d’un jeune homme curieux et plein d’esprit, né sous Staline et adolescent sous Khrouchtchev. Élevé au sein d’une famille modérée et cependant prompte à cultiver l’esprit critique, il entreprend des études à l’Institut des relations internationales de Moscou, puis participe à la contestation politique. Il intègre ensuite le groupe des réformateurs qui contribueront à la désintégration de l’Empire. Depuis, l’introduction d’un capitalisme sauvage en territoire russe, accompagnée d’une corruption endémique, a provoqué une explosion des inégalités. Malgré cette actualité difficile, l’essayiste, dont on ne peut que louer l’esprit d’ouverture et la capacité à porter son regard sur les autres expériences politiques, demeure convaincu d’une amélioration possible.

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