En publiant De la raison d’État (1589-1598), les éditions Gallimard comblent une lacune importante dans notre connaissance de l’histoire de la science politique. Formé chez les Jésuites, Giovanni Botero est un homme de la curie romaine, successeur de Machiavel et contemporain de Montaigne. Outre le fait qu’il invoque la nécessité du conseil religieux auprès du gouvernant, il entreprend dans ce traité de codifier les savoirs nécessaires au gouvernement de l’État ébranlé par les guerres de religion. La prudence doit garantir la stabilité de l’État et ce que nous appellerions aujourd’hui les sciences humaines et sociales (économie, géographie, démographie, etc.) doivent être privilégiées dans l’exercice du pouvoir territorial. Une proposition d’une grande modernité, que Romain Descendre souligne dans son introduction. C’est également une somme novatrice, mais contemporaine, que publient les éditions Albin Michel : La Politique des oracles. Ariel Colonomos dresse un panorama historique très original de notre rapport au temps, de nos comportements face à l’avenir. Il compare les consultations d’oracles dans la Grèce antique et les conseils donnés par les think tank et leurs bataillons d’experts, ainsi que les agences de notation financière. L’auteur, dans une langue claire et agréable, rappelle que, de tout temps, la connaissance du futur a fait l’objet d’une offre et d’une demande. Celles-ci se sont adaptées en fonction des époques, mais révèlent l’extrême ambiguïté avec laquelle nous envisageons l’avenir : toute une gamme d’émotions est en jeu. Cet essai salutaire écrit par un directeur de recherches au CNRS et enseignant à Sciences-Po Paris, insiste sur notre besoin d’ouverture scientifique et démocratique pour comprendre le monde d’aujourd’hui et aborder l’inconnu.