Bande dessinée

Jean Harambat

En même temps que la jeunesse

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photo libraire

Chronique de François-Jean Goudeau

Etablissement Scolaire ESTHUA - Université d'Angers (Angers)

Un professeur de lettres me répétait à l’envi : « Un match de rugby, c’est beau comme une tragédie antique ». La traduction en bande dessinée de ce bel aphorisme restait toutefois, du moins jusqu’à présent, inenvisageable. Ce n’est plus le cas. Merci Monsieur Harambat.

Moi-même joueur médiocre (mais toujours enthousiaste) et président d’un club de rugby loisir – les humbles (mais toujours vaillants) Angers Killers –, je me désespérais du traitement souvent caricatural réservé par l’art séquentiel à un sport aux vertus et à la grâce aussi absolues que méconnues – même si je manque d’objectivité quant à la cause rugbystique, et pour cause. Ce livre, aux accents prattiens et bernardiens, fait honneur autant à la BD qu’à la beauté du voyage, du doute, de la jeunesse et de l’émotion confondus. Chaque chapitre est précédé d’une combinaison (cause potentielle de migraine pour les avants lecteurs !), qui donne à lire une scène de vie sur le terrain, mais aussi en dehors, à Paris, en Argentine, en Angleterre, à Mont-de-Marsan, au Brésil ou encore en Australie. Le dilettantisme des colosses et la poésie des rencontres l’emportent (presque) à chaque fois sur la violence et l’âpreté des combats. De l’amitié virile à la philosophie (« Le rugby est une bonne éducation : prendre des décisions dans l’absence de contrôle »), en passant par les digressions sentimentales et géographiques de la jeunesse, l’auteur fait un tour du monde sensible de l’ovalie, sans idéalisme, avec des images au trait fragile, bousculé mais émouvant.

Jean Harambat, diplômé en philosophie politique et ancien rugbyman émérite (lui !), ayant fait ses classes sportives sous les directives de Daniel Herrero ou du vieux Fernandez Lobbe (le père des deux internationaux argentins), nous fait l’offrande d’un récit sans feinte superflue, avec la réserve mélancolique et délicate que nécessite l’évocation des belles années. Et si vous cherchez une morale à cette histoire (des plus recommandables, je le répète) : à défaut de rester jeune (la preuve : les ligaments récemment arrachés de mon pouce gauche, lors d’un plaquage à l’entraînement !), restez dilettante !

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