Polar

Frank Bill

Donnybrook

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photo libraire

Chronique de Marc Rauscher

Librairie Majuscule-Birmann (Thonon-les-Bains)

Comme son ami Donald Ray Pollock, Frank Bill puise son inspiration dans une Amérique en crise gangrenée par le chômage et la violence. Après un recueil de nouvelles d’une noirceur infinie, il revient avec un roman percutant.

Frank Bill nous entraîne du côté de la face sombre des États-Unis, avec son cortège de laissés-pour-compte pour qui la seule alternative à la misère est le trafic de méthamphétamine. Ces péquenauds rongés par la consanguinité trompent leur ennui en battant leurs femmes ou en se saoulant. Heureusement, afin de les distraire, monsieur Mc Gill a inventé le Donnybrook. Le Donnybrook, c’est la cour des miracles de l’Indiana, où la crise économique jette des familles entières sur les routes, les forçant à abandonner maisons et fermes. Le temps d’un week-end, des hommes vont se battre à poings nus sur un ring de fils barbelés, pour la plus grande joie de spectateurs ivres d’alcool et de drogue, qui parient des sommes astronomiques. Tous ces combattants sont des âmes brisées ou des gueules cassées, attirés par les gains fantastiques promis au vainqueur. Certains, comme Marine Earl, ont des intentions louables : la victoire lui permettra de nourrir ses enfants et de faire soigner sa femme ; d’autres sont des brutes épaisses mues par la vengeance, comme Angus la Découpe qui recherche sa sœur Liz pour la tuer depuis qu’elle lui a dérobé son stock de drogue… mais tous sont prêts à en découdre. Qu’ils soient criminels ou membres des forces de l’ordre, à l’instar du shérif qui traque Marine, ils n’ont que très peu de temps à perdre avec les valeurs altruistes. La « manifestation sportive » n’est que l’aboutissement du roman, le parcours jalonné d’embûches des protagonistes vers le lieu de l’affrontement constituant l’essentiel de l’intrigue. Rien de tel que du pain et des jeux pour contenir le désespoir des foules, comme le disaient déjà les tribuns romains ; mais lorsque la meth remplace le pain, un déchaînement de violence en laissera plus d’un sur le carreau.

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