Essais

Erling Kagge

Quelques grammes de silence

illustration
photo libraire

Chronique de Florence Zinck

Librairie Sauramps Comédie (Montpellier)

Dans un monde où l’absence de bruits a quasiment disparu, l’explorateur norvégien et aventurier des temps modernes, Erling Kagge, tire une certaine philosophie du mot silence, avec tout ce qu’il comporte d’intériorité.

Après avoir été questionné par des étudiants lors d’une conférence sur le silence à l’université de St Andrews en Écosse, l’auteur eut envie, en rentrant chez lui, de leur répondre par trente-trois ébauches qui se trouvent dans ce récit, dont la réussite tient aussi à la fluidité de son style. Face à la fameuse constatation (« l’Antarctique est l’endroit le plus silencieux qu’il m’ait été donné de traverser »), l’auteur expérimente le silence et décrit son rapport au monde. Comme une seconde peau, le silence permet à chacun d’apprécier au mieux sa vie et de résister aux bruits du monde. Un vieux proverbe norvégien ne dit-il pas : « l’important n’est pas comment vous vous sentez, mais comment vous prenez les choses ». D’autres, comme le décrivait déjà le philosophe Blaise Pascal en son temps, ressentent le silence comme une épreuve, ils fuient l’ennui ou ne supportent pas la voix de leur for intérieur. « Le mot empêche le silence de parler », nous rappelait même l’écrivain et dramaturge Eugène Ionesco. Mais où trouver le silence aujourd’hui dans un monde hyperconnecté et assourdissant ? Erling Kagge coupe court à toute polémique qui définirait le silence comme un luxe réservé aux plus fortunés. Il est une expérience gratuite car il est aussi en nous, à l’occasion d’un trajet choisi ou d’une marche. Me vient en écho, les excellents essais du sociologue et anthropologue David Le Breton, amoureux de la marche et du silence, lui aussi. Même si le fracas du monde sonne à notre porte, sachons nous en extraire pour conserver davantage d’acuité et apprécier notre vie. Aujourd’hui écoutons plutôt ceux qui, par le silence, en disent souvent plus, que ceux qui se perdent en incessants babillages. Quelques grammes de silence dans un monde de bruits et de fureur pour permettre à chacun une écoute de soi.