Littérature française

Maud Simonnot

L’Heure des oiseaux

illustration

Chronique de Victoire Vidal-Vivier

Librairie Le Marque-page (Saint-Marcellin)

Maud Simonnot revient pour cette rentrée littéraire avec un roman insulaire empli de sa sensibilité extrême et délicate. Elle place au centre de son histoire un fait divers sordide dans un décor naturel magique.

Dans les années 1960 à 1980, l’île de Jersey fut le théâtre d’événements sordides, découverts des années plus tard. L'affaire mit en lumière, en 2008 seulement, un orphelinat dans lequel les enfants placés auraient été victimes de violences physiques et sexuelles. Et cela bien des années après la fermeture de l'établissement. La narratrice revient sur les lieux pour découvrir les mystères qui entourent l’enfance de son père, placé dans cette institution, traumatisé par ce qu’il y a subi et qui n’arrive pas à en parler. Les passages à l’époque de l'orphelinat alternent avec l'enquête que la narratrice mène sur l'île auprès des témoins encore vivants qui ont gardé le silence pendant toutes ces années – un travail méticuleux commencé un peu à l’aveugle dans une île où le silence est loi. À Jersey, si mystérieuse et isolée, les soutiens sont rares et la pression sociale ou financière est forte. Alors que la narratrice reconstitue l’histoire morceau par morceau, un lien fort se créé à travers les années avec une enfant en particulier, Lily, différente et sensible, qui protégeait son père alors tout-petit au sein de l'orphelinat. Au fil de son enquête, la narratrice va suivre plus en détails l’histoire de cette enfant-là, l'histoire tragique d’une petite fille stigmatisée au cœur même de l’horreur et qui tente comme elle peut de s’enfuir, en pensée tout du moins. Si le sujet est terrible, c’est un roman épuré et très beau que nous propose l’autrice, presque onirique, à la limite du conte. Elle parvient, avec une langue poétique et tendre – dans la continuité du très beau L’Enfant céleste paru en 2020 – à suggérer les atrocités sans jamais les décrire, en les montrant à travers des yeux d’enfants qui s’échappent par le rêve.