Polar

Thomas H. Cook

L’Étrange destin de Katherine Carr

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photo libraire

Chronique de Béatrice Putégnat

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Thomas H. Cook signe une œuvre singulière où les codes du policier deviennent un alibi pour torturer les thèmes fétiches de l’auteur, que sont la mémoire, la culpabilité, l’horreur. Et si l’obsession ultime était l’écriture ?

Déroutant, crépusculaire, presque fantastique, L’Étrange Destin de Katherine Carr racle les tréfonds de l’âme humaine, en ces replis secrets où la raison, l’objectivité, le bien perdent leurs contours rassurants et franchissent, dans une sarabande grimaçante, les frontières de l’impossible, du mal. De romans noirs en polars sombres, Thomas H. Cook enfonce le clou dans nos cœurs et nos esprits avec des thèmes obsessionnels : la culpabilité, la disparition, le passé qui hante encore et toujours ceux qui restent, ceux qui traînent à tout jamais la perte de l’être cher dans un monde où l’invisible les aimante. Manipulateur, Thomas H. Cook mène son lecteur en bateau. L’intrigue démarre d’ailleurs à bord d’une embarcation qui avance lentement sur un fleuve au milieu d’une jungle. Un voyageur raconte une histoire. Depuis l’assassinat de son fils, George Gates traîne son chagrin et sa culpabilité dans les rues de la bourgade de Winthrop. Il croque pour le canard du coin des portraits de personnalités locales. Ses rencontres avec Alice, une fillette de 12 ans atteinte de progéria, et Arlo Mc Bride, un flic retraité, le conduisent aux lisières du mal. Mais ça ne suffit pas à Thomas H. Cook, qui pimente encore sa trame. Chaque jour, George lit à Alice un extrait d’un texte écrit par Katherine Carr, poétesse locale disparue une vingtaine d’années plus tôt après une agression. Le dernier manuscrit de Katherine donne des indices, mais brouille les pistes. Sa présence romanesque s’incarne dans une femme ou un fantôme au ciré jaune… George enquête : meurtre ou disparition de Katherine Carr, témoignage ou fiction poétique et onirique ? Seule certitude, une course contre la montre est engagée. Alice dépérit et n’en a plus pour longtemps à jouer les miss Marple. Le « Non visible » gagne du terrain et le chemin pour aller chercher un peu de lumière « au cœur des ténèbres » est pavé de remords, de culpabilité et de fantômes.

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