Littérature française

Karine Reysset

La Fille sur la photo

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Chronique de Bénédicte Cabane

Librairie des Danaïdes (Aix-les-Bains)

Le roman commence avec Anna, une jeune femme appelée au chevet de la fille adolescente de son ancien compagnon qu’elle a quitté un an auparavant. C’est l’occasion pour elle de prendre la plume et de faire le point sur sa vie. Et de s’interroger inlassablement sur la meilleure façon de rester fidèle à soi-même, pour ne pas se perdre ni s’oublier, pour exister pleinement, pour être soi, tout simplement. Anna était petite quand sa mère a quitté le domicile conjugal. Premier abandon. Tandis que sa sœur se révoltait, Anna, elle, se coulait encore plus dans le moule de la petite fille sage et modèle. Peine perdue, leur belle-mère les a envoyées indifféremment toutes les deux chez leur mère sans aucune opposition du père adoré. C’est le deuxième abandon. Anna a continué à grandir sans faire de vagues, se laissant porter par la vie et les circonstances. Jeune adulte, elle a rencontré celui qui allait devenir son compagnon pour dix ans, un réalisateur connu. C’est donc naturellement qu’elle a pris place dans son ombre. Cela l’arrangeait en un sens. Elle pouvait ainsi se consacrer à ses livres, car elle est devenue romancière. Elle restait à la maison pour écrire tout en élevant les enfants de son compagnon. En regardant et scrutant les photos du passé, elle ne nie pas les jours heureux. Mais était-ce bien elle ? Karine Reysset aborde aussi un autre thème qui lui est cher : le lien maternel. Comment le définir au-delà même du lien du sang. Anna se sent ainsi plus mère des trois enfants de son compagnon, qu’elle a accompagnés pendant qu’ils se construisaient en tant qu’adultes, que de l’enfant qu’elle portait en elle. Étonnamment, et pour la plus grande joie du lecteur qui connaît bien l’œuvre de Karine Reysset, elle distille dans son roman clins d’œil et allusions à ses précédents romans.

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