Littérature française

Valentine Goby

Kinderzimmer

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photo libraire

Chronique de Sandrine Maliver-Perrin

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Dans ce roman grave et bouleversant, Valentine Goby met en scène une jeune femme enceinte internée à Ravensbrück. Qu’adviendra-t-il de ces deux vies dans un univers de ténèbres régi par la folie humaine et la mort ?

Douce et inquiétante, experte en malaise, Valentine Goby bâtit de livre en livre un univers féminin douloureux et maltraité. Son œuvre puissante, secrète, décrit les apocalypses intérieures, les déchirements, les renoncements et les destins tourmentés de personnages dont l’histoire personnelle est souvent liée à l’histoire universelle. 1944. Mila, 22 ans, fait partie d’un réseau de la Résistance. Arrêtée, elle est condamnée à la déportation. Destination, Ravensbrück, qui compte près de 40 000 femmes venues de toute l’Europe. Mila découvre l’horreur des camps. L’appel à 3 h 30 du matin, la saleté et la puanteur insoutenables. Les infections aux noms barbares qui emportent les femmes les unes après les autres. Les bagarres et les vols dans les baraquements. La faim qui tord les entrailles. Le froid. Les abus permanents. Mais aussi la solidarité, le partage et l’espoir, qui donnent chaque jour la force de continuer à vivre. Mila a peur : elle porte un enfant. La vie n’a pas sa place ici. Arrivée à terme, elle découvre la « Kinderzimmer », la pouponnière. Des dizaines d’enfants y naissent et y meurent très vite. Y aura-t-il un lendemain pour le petit James ? Âmes sensibles s’abstenir. Kinderzimmer est un roman éprouvant, extrêmement dérangeant, qui vous prend à la gorge de la première à la dernière page. On suffoque, on tremble, on a la nausée. Une écriture sans concessions, tour à tour dépouillée et glaciale – à l’image du camp – puis poétique et bouleversante, sert ce texte virtuose qui place l’auteure parmi les grands de la littérature française. À coups de phrases urgentes, de mots crus, d’alternance de rythmes et de langues, elle nous entraîne dans un univers dont la noirceur est sans égale et nous immerge au cœur même de l’horreur. Entre ombre et lumière, désespoir total et foi inébranlable en la vie. Un pur chef-d’œuvre.