Beaux livres

Icônes de l’art moderne

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Chronique de Isabelle Theillet

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Qui n’a pas entendu parler de l’exposition de la collection Chtchoukine à la Fondation Louis Vuitton ? Pour la première fois en France, jusqu’en février 2017, 130 œuvres (essentiellement de peintres français) sont montrées au public. Suivez le guide !

Sergueï Ivanovitch Chtchoukine, né à Moscou en 1854 et mort à Paris en 1936, était un riche industriel du textile et un grand collectionneur d’art. Au fil du temps, depuis les années 1890 jusqu’en 1917, il va accumuler dans son palais Troubetzkoy à Moscou jusqu’à 275 œuvres d’art, majoritairement signées par des artistes français (et non des moindres !) : Monet, Cézanne, Gauguin, Derain, Matisse et Picasso, pour n’en citer que quelques-uns. Des murs entiers des pièces de son hôtel particulier étaient couverts d’œuvres qui seront par la suite considérées comme représentatives de l’art moderne. Avec le recul, on peut estimer que ce monsieur de petite taille, aimant beaucoup parler, mais avec un fort bégaiement, était un visionnaire. À partir de 1908, tous les dimanches, il décide d’ouvrir sa collection gratuitement pour que le public découvre ces artistes français d’avant-garde. Après la révolution de 1917, Lénine fait saisir toutes les œuvres de la collection et Chtchoukine émigre en Allemagne. En 1948, Staline ordonne la dispersion des tableaux entre le musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, et le musée Pouchkine à Moscou où on peut encore les admirer aujourd’hui. À cette collection hors normes, il convenait de donner un catalogue à la hauteur. Cette exposition en France de si nombreuses œuvres françaises jamais sorties du territoire russe est un événement. En coédition avec la Fondation Louis Vuitton, sous la direction scientifique d’Anne Baldassari, et en collaboration avec les équipes des deux musées russes, les éditions Gallimard nous proposent un ouvrage de 478 pages contenant 540 illustrations. Le travail réalisé est absolument remarquable. Après plusieurs préfaces, une succession de chapitres présentent Chtchoukine comme un pionnier de l’art moderne. Ensuite, les œuvres exposées à la Fondation sont reproduites sur fond gris, dans le même ordre que celui où l’on peut les découvrir dans les salles de l’exposition. Les thèmes de chacune des salles sont commentés. Une double page d’entrée montre une photo en noir et blanc de la pièce où se trouvaient les tableaux dans le palais de Chtchoukine. Parmi ces thèmes, on notera : Gauguin et la grande iconostase (douze œuvres dans l’exposition), Matisse et le salon rose (vingt-deux tableaux) et enfin la cellule Picasso (vingt-neuf œuvres). Suit une riche anthologie de textes critiques. L’ouvrage s’achève sur la chronologie de la vie de Chtchoukine et sur le catalogue raisonné des œuvres d’art acquises par le collectionneur tout au long de sa vie. Alors sans hésitation, après avoir vu l’exposition, offrez-vous ce catalogue pour ramener chez vous un petit bout de la collection du génial, si génial, Chtchoukine !

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