Littérature française

Laurent Binet

Civilizations

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photo libraire

Chronique de Florence Reyre

Librairie Du côté de chez Gibert (Paris)

Comme tous les vacanciers, vous rendez un véritable culte au soleil ? Et si nous étions un peu Incas sans le savoir ? À vous de le découvrir en lisant ce formidable roman. Amateurs d’Histoire, savourez.

Laurent Binet est joueur. Après nous avoir transformé le décès de Barthes en polar (La Septième Fonction du langage), il nous entraîne dans une uchronie particulièrement maligne. L’ouvrage est aussi original dans son propos que dans sa forme et fait appel à plusieurs genres littéraires, tout en balayant cinq siècles d’Histoire. Il suffit à l’auteur de quelques dizaines de pages pour captiver son lecteur et le faire adhérer à son hypothèse. Le récit débute vers l’an mil avec la saga de la sœur d’Erik le rouge, une chef de clan aux pulsions meurtrières. Elle sèmera virus, chevaux, fer et le dieu Thor à travers le continent américain : en somme, tout ce qui a manqué aux populations indigènes pour résister aux invasions européennes. Quelques siècles passent. Christophe Colomb débarque à son tour et c’est son journal qui nous conte les péripéties de son exploration. Une génération plus tard, nous voilà dans le cœur du livre, chronique du geste héroïque de l’Inca Atahualpa et de ses troupes. Nous sommes en 1531 quand le fils du soleil débarque en Europe. Il découvre un continent à feu et à sang et en profite pour s’emparer des possessions de Charles Quint. Avec une grande habilité, il s’impose alors comme le monarque le plus puissant d’Europe. Extrêmement divertissant dans sa forme, plagiant les chroniques de l’époque, ce roman se lit comme un récit d’aventure et d’Histoire. Nous qui imaginons souvent les grandes découvertes comme inéluctables, nous voilà contraints de réfléchir aux conséquences d’une guerre de conquête inversée. Dans ce véritable condensé d’Histoire du xvie siècle, on croise tous les grands personnages de ce siècle ainsi que les événements qui l’ont jalonné. Le livre se termine par les aventures de Cervantès, comme si l’auteur n’avait pu résister à utiliser jusqu’au bout toute sa documentation. Aucun amateur d’Histoire ne résistera au charme des aventures d’Atahualpa et de la très sage Higuenamota.