Jeunesse

Roland Fuentès

Vivant

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photo libraire

Chronique de Enrica Foures

Librairie Lafolye & La Sadel (Vannes)

Un jeune homme court après un autre. Il est bouillonnant de haine et de rage, il veut le tuer. Comment des vacances studieuses et sportives entre copains ont-elles pu dégénérer à ce point ?

Le mystère, la tension, dès les premières lignes du premier chapitre, sont installés. Les deux personnages qui entrent en scène nous happent dans une course qui va rythmer le roman, ponctuer les chapitres dans lesquels les voix de leurs amis s’élèvent pour situer le contexte et donner des éléments de réponse à cette folie. Car ces deux coureurs, le chasseur et la proie, ce sont Mattéo et Elias, respectivement le meneur du petit groupe d’étudiants et l’« étranger », que personne, excepté celui qui l’a convié, ne connaît. Elias, c’est aussi le petit grain de sable lumineux qui va enrayer la machine trop bien rodée d’un Mattéo jusque-là charismatique, habitué à être le plus fort, le plus doué, le plus admiré. Le piédestal se fissure, libérant les zones d’ombre du jeune homme, laissant germer et s’épanouir les graines de jalousie et de peur de l’inconnu qui sommeillent en lui, pour finalement s’effondrer, le laissant démuni, perdu, désormais sans repères, hormis cette haine qui le guide et le submerge comme une vague sombre. Mais si c’est la pulsion de mort qui porte l’un, qu’est-ce qui donne des ailes à Elias, cet autre qui ne semble ressentir ni fatigue, ni douleur ? Vivant est un roman coup de poing et coup de cœur, haletant comme une course éperdue vers la mort et vers la vie, irrémédiablement liées l’une à l’autre. C’est un texte brillant et riche qui nous parle de nombreux sujets, qui peut se lire sous de multiples angles. Roland Fuentès y évoque, entre autres, le passage de l’adolescence à l’âge adulte, la confusion des sentiments, l’acceptation de l’autre et de soi ou encore ce que signifie notre existence et comment nous l’appréhendons. Ce roman bref, qui dure le temps d’un souffle, le temps de quelques battements de cœur donne envie de se sentir vivant… pleinement vivant.

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