Littérature étrangère

Vitaliano Trevisan

Treize

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photo libraire

Chronique de Olivier Renault

Librairie La Petite lumière (Paris)

Treize, comme autant de nouvelles, reprenant ici trois recueils parus en Italie : Trio sans piano (1998), Standards vol. 1 (2002), Contes et arabesques (2009). Treize façons de revisiter des « standards » de la musique ou de la littérature.

Les premières nouvelles sont ouvertement jazzistiques. « Oiseaux. Un solo de sax alto » narre la troublante rencontre entre un motard voyageant en Écosse et un drôle de musicien qui joue pour les oiseaux, tout au bord de la falaise, dans un déferlement de notes et de volatiles tourbillonnant. Le narrateur prend peur devant les étranges propos et l’identité très trouble du musicien. Son affirmation : « Eric Dolphy est meilleur que Charlie Parker », fait pivoter l’ensemble. La deuxième nouvelle est une méditation du personnage à l’enterrement de son professeur de batterie qui s’est suicidé, incapable de se remettre d’un concert de Max Roach. À quoi bon enseigner ou jouer si on ne le fera jamais aussi bien que Roach ou Miles ? Les personnages du livre vivent sur la brèche, au bord de la falaise, du gouffre. « Quand je tombe » est l’histoire de ce petit garçon qui marche sur le haut des murs et les bords de toits sans jamais tomber, bien que ses copains choient et, parfois, se tuent. Abandonnant ses études, parjurant une promesse faite à sa mère, il devient… couvreur, vivant ainsi en permanence au bord du vide. D’autres vivent comme à l’intérieur du vide (« A Xmas Carol »), ou dans un état intermédiaire (« Le calmant »). Amateur de jazz et de littérature, Trevisan travaille ses textes comme des standards de jazz : « Seul et pensif » et « La vie s’enfuit… » réalisent les vers de Pétrarque cités à la fin ; « La barrique d’amontillado » est un contrepoint au texte de Poe ; tous les textes de la deuxième partie, intitulée « Standards vol. 1 » sont des interprétations de standards musicaux (When I Fall in Love pour « Quand je tombe ») ou littéraires – Dickens, Beckett, Kierkegaard ou Bernhard. L’ensemble est subtil, sensible, méditatif. Trevisan crée de merveilleuses ambiances troublantes et ouatées.