Bande dessinée

David Prudhomme

Sumographie

illustration

Chronique de Coralie Sécher

Librairie Coiffard (Nantes)

En 2012, David Prudhomme part au Japon et découvre le sumo. Lorsqu’il assiste à un entraînement pour la première fois, il remplit un carnet de dessins. À son retour en France, il reste hanté par les mouvements, la force et la beauté qui émanent de ces hommes, s’en nourrit pour construire des expositions, puis ce livre.

Le sumo est un sport ancestral au Japon. Il est irrémédiablement lié à l’histoire même de ce pays. À l’origine de ces luttes, deux dieux qui se chamaillaient l’archipel et un seul combat pour les départager. Depuis, ce sport a été le lieu d’un grand nombre de représentations et d’idéaux. Il va être tour à tour un rituel religieux, un entraînement guerrier puis un sport respecté aujourd’hui, avec seulement soixante-dix professionnels à travers tout l’archipel. Ce sport de lutte traditionnel et ancestral a su allier tradition et modernité et il existe à ce jour six grands tournois qui réunissent les rikishi de tout le pays. Avant son départ pour le Japon, David Prudhomme lit l’autobiographie d’un grand lutteur. Il ne s’attend probablement pas à être si fasciné par le sumo en arrivant sur place. Il découvre alors l’immense renoncement et la vie d’ascète que représente ce sport : l’entraînement quotidien du lutteur a autant d’importance que la prise de poids, l’engagement relatif au corps mais également l’implication et le rôle de représentation du lutteur pour sa famille et toute sa région d’origine. Au-delà de la commande d’exposition pour la ville de Bordeaux et de son envie de dessiner des fesses, David Prudhomme va se plonger dans cet univers afin de rendre au mieux l’abnégation des lutteurs, la lutte contre la pesanteur, la chaleur dans le dojo d’entraînement, les exercices fascinants et par-dessus tout la souffrance à chaque instant. L’illustrateur utilise dès lors différentes techniques afin de s’approcher au mieux des sensations éprouvées : avec les pastels à la cire, il rend l’aspect crayeux de la terre du dojo, avec l’encre de Chine, il montre la puissance du lutteur, sa concentration, sa force. Pour rendre au mieux l’exposition originelle au sein du livre, certains dessins sont mis en scène sous forme de leporello. En effet, lors de l’accrochage, les illustrations étaient liées par du fil de pêche, volantes, ce qui permettait de rendre la souplesse des mouvements des lutteurs et leur légèreté. À l’intérieur du livre, le déroulé suit le quotidien du lutteur, ses objectifs : l’entraînement, les préparatifs puis les combats. Le livre papier rend totalement hommage aux créations de David Prudhomme. Pour les portraits, par exemple, le papier est plus fin, correspondant au papier utilisé lors des croquis. Sumographie est une belle découverte, un véritable hommage à l’abnégation. Au fil des pages, David Prudhomme a su nous faire ressentir la concentration, la force, la lenteur et la puissance de ce sport. Les textes de Sonia Déchamps sont des éclairages nécessaires et riches à la bonne compréhension de cette discipline ancestrale.

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