Littérature étrangère
Federico Jeanmaire
Plus léger que l’air
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Federico Jeanmaire
Plus léger que l’air
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon
Joëlle Losfeld
06/10/2011
226 pages, 18 €
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Chronique de
Emilie Pautus
Librairie La Manœuvre (Paris) - ❤ Lu et conseillé par 1 libraire(s)
✒ Emilie Pautus
(Librairie La Manœuvre, Paris)
Satire sociale, subtile et cruelle, le dernier roman de Federico Jeanmaire dépeint avec un humour brillant et une touchante intimité la solitude des personnes âgées.
Avis aux amateurs et aux détrousseurs de vieilles dames : la victime désignée n’est pas toujours celle que l’on croit. Rafaela a 93 ans, bientôt 94. Vieille fille, ancienne maîtresse d’école, elle déteste son prénom, exècre les gauchos qu’elle qualifie volontiers de « primitifs, fanfarons et arrogants », raffole des crackers, ne sort que pour aller chez le boulanger et le primeur en comptant ses pas pour surveiller sa gymnastique quotidienne, mange de la soupe le soir et regarde les informations pour rester connectée au monde. Lorsque son train-train quotidien est perturbé par un gamin de 14 ans qui l’agresse en bas de chez elle et la force à monter dans son appartement pour lui dérober son argent, Rafaela ne perd pas son sang-froid et réussit à enfermer le malappris dans sa salle de bains. Elle lui propose de s’installer confortablement sur le siège des toilettes, de garder patience et d’écouter. Elle a enfin de la compagnie et va en profiter pour se lancer dans un long monologue où il est question de son père qui était laid et de sa mère qu’elle n’a pas connue, mais qu’elle idolâtre. Sa mère, Delita, une femme d’avant-garde qui avait pour seul rêve de piloter un avion. Rafaela, surnommée Faila, va devenir Lita, celle qui raconte, celle qui enseigne, celle qui sermonne, celle qui agace et celle qui nourrit en glissant sous la porte, avec ingéniosité, des crackers et des escalopes milanaises cuites au four pour limiter les graisses. Santiago, surnommé Santi, 14 ans, aura beau hurler, charmer ou provoquer, il ne pourra être libre que lorsque l’histoire sera terminée. Quand la solitude a pris trop de place, c’est l’imagination qui prend le relais ; l’imagination qui, pour Rafaela, est finalement « la manière la plus sincère de voir le monde ». Alors, face à son jeune auditoire, Rafaela parle, livre enfin l’histoire de sa mère qu’elle a fantasmée et recréée dans ses moindres détails, évoque sa solitude, se débat avec ce corps qui ne lui permet plus aucun excès, pleure un peu, s’énerve souvent…