Nord sentinelle

Un narrateur, ressemblant à l’auteur (il enseigne la philosophie au lycée et est de retour en Corse après quelques années d’expatriation), nous conte, dans ce roman, l’histoire d’une famille corse, les Romani, et un faits divers tragique. Les Romani sont une médiocre dynastie qui s’est enrichie notamment grâce au développement du tourisme de masse sur l’île et qui vit confortablement et sûre d’elle-même sur son territoire. Jusqu’au jour où le fils de la famille, Alexandre, poignarde un jeune touriste pour un motif absolument dérisoire et stupide. Un jeune homme qu’il connaît et dont les parents séjournent dans leur résidence secondaire depuis des années. Le roman remonte alors le fil des vies de toute une galerie de personnages. Jérôme Ferrari nous livre une réflexion pertinente sur l’identité et le rapport à l’autre, sur l’afflux important de touristes et ses conséquences, mais aussi sur la Corse et ce qu’elle est devenue. Ce court roman est parfois drôle et corrosif, toujours juste et subtil. Au terme de sa lecture, ce livre nous pousse surtout, comme l’indique son sous-titre, Contes de l’indigène et du voyageur, à réfléchir à la conquête et la colonisation de nouveaux territoires, au tourisme et à ses conséquences, et au final à nos propres pratiques touristiques. Intrigué par le titre du roman, en faisant quelques recherches, on trouve que « Nord Sentinelle » est le nom d'une des îles Andaman. Cette île se trouve dans le golfe du Bengale, entre l’Inde et la Birmanie. Y vit un peuple isolé qui refuse farouchement tout contact avec le monde extérieur et où les quelques étrangers inconscients qui s’y sont aventurés ont été tués. Ce qu’il fallait démontrer ? Pas si simple que cela ! Ce roman subtil est une vraie réussite et un vrai bonheur de lecture et d’intelligence.