Littérature étrangère

Kim Young-Ha

Ma mémoire assassine

illustration
photo libraire

Chronique de Linda Lompech

()

Suivre un ancien tueur en série atteint de la maladie d’Alzheimer dans sa dernière aventure criminelle, c’est l’expérience que propose Kim Young-ha dans son nouveau roman. En route, le temps presse.

Kim Byeong-su est âgé de 70 ans. Depuis quelque temps, la maladie d’Alzheimer lui grignote la mémoire. Alors pour maintenir son esprit en forme, il prend des cours de poésie. Ancien tueur en série, il aimerait bien reprendre son activité. Mais le temps est compté. Il faut tuer avant de tout oublier. Ce nouveau roman de l’auteur coréen Kim Young-ha traite avec singularité de la solitude d’un vieillard atteint d’Alzheimer. Avec un style sec, des phrases parfois cinglantes, le lecteur entre dans l’esprit ravagé du vieil homme. Ravagé par la maladie, mais aussi par une certaine forme de folie, celle d’un tueur en série sur le retour. On vit l’urgence de l’action, car la mémoire s’étiole. On sent la pulsion du tueur rodé au crime, net et sans bavure. On découvre le sang-froid d’un pro. L’expérience est là. Dès son plus jeune âge, notre héros s’est d’ailleurs fait la main sur son propre père, avant de passer à sa mère. Aujourd’hui, c’est sa fille adoptive qu’il veut protéger d’un autre amoureux du meurtre. Le roman tournerait-il au polar ? Entre humour et autodérision, le roman de Kim Young-ha utilise le « je » et fige ainsi l’action du roman dans le présent, qui devient le seul repère du vieillard. Mais on sent également la grande détresse d’un homme qui cherche une branche à laquelle se raccrocher. On vit avec lui l’enfer de la maladie, lorsqu’on est encore conscient d’être là et déjà plus le même qu’auparavant. « Les hommes sont tous prisonniers du temps. Et ceux qui sont atteints d’Alzheimer sont enfermés dans une prison dont les cellules rétrécissent. J’étouffe. »