Essais
Bernard Sève
L’Instrument de musique
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Bernard Sève
L’Instrument de musique
Seuil
21/03/2013
367 pages, 25 €
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Chronique de
Philippe Poulain
- ❤ Lu et conseillé par 1 libraire(s)
✒ Philippe Poulain
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Pour Bernard Sève, l’instrument de musique, avant d’être un outil, est une idée sonore, une approche sonore du monde. Dans une langue précise et fluide, le philosophe explore le monde de la musique par une étude de l’instrument, sa corporalité et ses fonctions.
La réflexion de Bernard Sève ne porte pas sur une abstraction, et pourtant ce que produit l’instrument de musique n’est pas une matière concrète, un matériau qui se laisse saisir par les mains, ni totalement par les oreilles ou d’autres sens. Ce matériau s’écoule avec le temps. Et l’instrument de musique, qui n’est rien avant qu’on n’en joue, devient opérationnel durant ce laps de temps. Différent des autres outils inventés par l’homme pour seconder un geste, l’instrument de musique – là se trouve le concept central de la réflexion de Bernard Sève – possède deux corps : « L’instrument dispose d’un corps physique, matériel, dont on peut tirer toutes sortes de sons ; il dispose aussi d’un corps musical, qui est un certain agencement de ce corps. » Parallèlement au corps naturel, physiologique du musicien, se lève son corps musicien. Cela nécessite des milliers d’heures d’apprentissage et la virtuosité, exceptionnelle, représente un état limite de ce corps musicien. « Apprendre à jouer d’un instrument, c’est construire ou découvrir, dans le corps physique d’un instrument, son corps musical. Jouer d’un instrument, c’est arracher continûment l’instrument à son corps physique pour le tenir, à bout de bras, à son niveau de corps musical. » Brassant la nomenclature de tous les instruments de musique et leur classification selon l’histoire et la géographie, abordant également la notation musicale, la fausse note, les diverses temporalités de l’œuvre, Bernard Sève ouvre une réflexion large. Enfin, même s’il n’est pas un manuel à l’usage des musiciens, le livre pose la question de la maîtrise. Empruntant des exemples dans la musique classique ou savante, l’essai vaut pour tous les champs des musiques écrites et improvisées, et sa lecture en reste agréable et toujours enrichissante.