Littérature étrangère

Ewald Arenz

Le Parfum des poires anciennes

EB

✒ Emma Bernard

(Librairie des Canuts, Lyon)

On ferme ce livre poignant un sourire aux lèvres. Il nous montre que de belles amitiés sont possibles, à condition d'en prendre soin en y mettant beaucoup d'indulgence et un soupçon de confiance.

Sally, 17 ans, est recueillie par Liss, la cinquantaine. La jeune fille vient de s’évader d’un centre où elle était traitée pour anorexie. Elle en veut à la terre entière, refuse toute autorité et surtout celle de ses parents. Elle rêve d’être libre, de n’avoir plus personne qui la chaperonne, la critique ou la plaint. Liss vit et travaille seule dans la ferme familiale qui recèle de nombreux souvenirs tristes et douloureux. Elle n’a pas choisi cette autarcie mais s'en accommode avec résilience, la considérant, au fond, comme justifiée. Elle n’espère rien, rythme sa journée par ses tâches : récolter les pommes de terre, laver les tonneaux, marquer le bois. Surtout ne penser à rien. Quand les deux se rencontrent, elles n’attendent rien l’une de l’autre sinon de la discrétion. Elles ne se posent aucune question, ne se jugent jamais, ne se contraignent jamais. Elles vivent en parallèle l’une de l’autre et deviennent de plus en plus intimes au fil des jours. Leur confiance est mise à rude épreuve de temps en temps mais sans qu’elles aient besoin de se le demander, elles s’entraident et se soutiennent. C’est une amitié simple, entre génération. Elles ne cherchent pas à tout savoir l'une de l'autre et se contentent de ce qu'elles ont pour créer une amitié hors normes. Elles nous permettent de repenser notre façon d’être au monde et aux autres. On sort de cette lecture ébloui, percevant plus clairement qu'il faut beaucoup d’indulgence pour créer une relation et notre monde en manque cruellement. Le tout est écrit avec précision et fluidité. Sally redécouvre le plaisir de manger et l’auteur nous décrit si brillamment les goûts et les textures que c’en est presque tangible. J'ai encore le goût de la poire ancienne, légèrement épicée, longtemps après avoir refermé le livre.

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