Littérature étrangère

Salman Rushdie

La Maison Golden

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photo libraire

Chronique de Florence Reyre

Librairie Du côté de chez Gibert (Paris)

Comme dans un album d’enfant où on part du très petit pour arriver à l’infiniment grand, ce nouveau livre de Rushdie cherche à expliquer le monde contemporain à travers le destin de la famille Golden.

Dans ce gros roman touffu, Salman Rushdie a voulu peindre les obsessions américaines contemporaines. Il a choisi pour cela des personnages énigmatiques venus d’une autre partie du globe, l’Inde meurtrie par les attentats de Bombay en 2008 et qui, en adhérant à la société new-yorkaise, perdent leur nationalité d’origine pour devenir des Américains. Pour le meilleur et pour le pire. En dissolvant leur identité première, c’est leur vie qu’ils vont perdre. Nous suivons la chute de la famille Golden, l’histoire de leurs obsessions, celle, inoffensive au premier coup d’œil pour les empereurs romains, mais qui déjà marque l’abandon de leur vérité. Le narrateur est lui-même obsédé par cette famille, par le jardin privé encerclé des maisons particulières, habitées par de riches et bourgeoises familles, dont la sienne. C’est de cet éden qu’il témoigne, confident et chroniqueur pendant huit années de la décadence de ses richissimes voisins. Ce sont les années Obama, au début pleines d’espoir et petit à petit désenchantées, pendant qu’un terrifiant Joker aux cheveux teints prend de l’importance. Sous couvert de réaliser un film, René Unterlinden va s’approcher au plus près des secrets de la famille, s’y fondre, lui qui vient de perdre ses parents, se laisser fasciner et manipuler, au risque d’y laisser son intégrité et sa propre vie. C’est un livre puissant dont la trame romanesque se mêle à la politique et à la société américaine. Rushdie a cherché à démêler les grands courants de la pensée contemporaine, notamment la question du genre qui revient souvent dans le roman, incompréhensible pour les plus âgés, évidente pour les plus jeunes. On y sent les interrogations de l’auteur qui parfois priment sur la fiction. On se demande en le refermant si l’obscurité de l’avenir peut s’éclairer.