Bande dessinée

Luigi Critone

Je, François Villon, t. 1

illustration

Chronique de Guillaume Boutreux

Librairie M'Lire (Laval)

Le 30 mai 1431 naît François Villon. Cette naissance fut marquée d’un sceau particulièrement lugubre. Ce jour-là eurent lieu deux exécutions. L’une demeura célèbre puisqu’il s’agissait de la mise au bûcher de la pucelle d’Orléans. La seconde n’était qu’une pendaison parmi d’autres, mais concernait au plus haut point le futur poète puisqu’il s’agissait de son propre père. Une telle venue au monde n’augurait évidemment rien de bon. Ainsi, quelques années plus tard, c’est sa mère qui, pour un motif futile, sera suppliciée d’atroce manière. Recueilli par Guillaume de Villon, chanoine de Saint-Benoît qui se charge de son éducation en l’envoyant dans les meilleurs établissements de Paris, le jeune François ne tarde cependant pas à s’écarter des sillons tracés par son oncle, abandonnant à d’autres la sagesse et la soumission auxquelles on avait espéré le voir se soumettre. Dès lors, le mauvais sujet n’a de cesse d’entraîner dans ses écarts les autres étudiants, fascinés par la puissance de ses rimes insolentes. Il organise farces et orgies estudiantines, mais dans ce Moyen Âge impitoyable où la justice frappe aveuglément, les audacieuses facéties du poète ne sont pas du goût de tout le monde et sont bientôt, pour lui et son entourage, la cause d’intenses ennuis.

Après Le Montespan , où Philippe Bertrand montrait un mari cocu – celui de la fameuse marquise – plein d’un exemplaire stoïcisme, puis Le Magasin des suicides (par Domitille Collardey et Olivier Ka) qui évoquait la remise en question d’un funèbre commerce familial par un nouveau venu beaucoup trop joyeux, Delcourt continue son travail d’adaptation des romans de Jean Teulé en BD. Cette fois, l’illustrateur italien Luigi Critone s’y colle en dessinant les abondantes péripéties dont l’existence de Villon a été la proie. Les bédéphiles attentifs ont pu se rendre compte de la qualité du travail de Luigi Critone avec les deux tomes de La Rose et la Croix parus chez Soleil, puis Les Sept Missionnaires , album de la série des Sept paru chez Delcourt sur un scénario d’Alain Ayrolles. Son trait fin et précis et sa couleur rehaussée d’aquarelle rendent à merveille le très contrasté Paris du xve siècle, où la richesse la plus extravagante voisine avec la pauvreté la plus extrême, la paillardise la plus triviale avec l’intransigeance religieuse la plus rigoriste. Au milieu de tout ça déambule bruyamment une jeunesse joyeuse qui tente d’ignorer l’omniprésence de la mort et de la maladie. Ce premier tome, dont le titre, Mais où sont les neiges d’antan ? , fait référence à un célèbre vers de Villon et plonge le lecteur dans la jeunesse savoureusement dissolue du poète, en même temps que dans une époque et une ville, Paris, théâtres chaotiques d’une époque crépusculaire, où le Moyen Âge s’apprête à céder la place à la Renaissance.