Littérature française

Tristan Garcia

Faber

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photo libraire

Chronique de Véronique Mutrel

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« Si on cligne des yeux, on aperçoit deux sources lumineuses distinctes : la source intérieure du souvenir, qui nimbe le passé et le magnifie ; la source extérieure du monde tel qu’il va, qui surexpose le présent et le laisse triompher. »

Faber Le Destructeur relate le parcours de trois amis. Faber est de ces êtres brillants, supérieurement intelligents et à qui la vie devrait sourire. Mais… Madeleine, secrètement amoureuse de Faber, est partagée entre une totale admiration pour l’intelligence du personnage et le sentiment, qui la fait se détester elle-même, d’être sous son emprise. Basile, timide et faible, principal narrateur de cette singulière histoire à trois voix, déclare : « J’ai été de ceux qui ont choisi de baisser la tête pour pouvoir passer la porte de mon époque mais pas Faber, hélas ou heureusement. » Les trois personnages se rencontrent à l’école primaire et ne se quitteront plus jusqu’à l’adolescence. À tour de rôle, ils racontent leur histoire – qui fait écho à toutes les histoires, toutes nos histoires. Faber est le meneur, l’agitateur mais aussi le grand frère, le protecteur, le justicier. Il sauvera Basile des griffes des méchants qui hantent la cour de récréation et gagnera son indéfectible amitié, et il permettra à Madeleine d’exprimer ses talents footballistiques. Ainsi se formera un trio qui ne se séparera qu’au lycée pour se retrouver bien des années plus tard dans une amère confrontation. Tristan Garcia nous fait entrer dans les têtes et les mémoires de chacun de ses personnages. Il dépeint la perte de l’innocence, les illusions perdues d’une génération. Ces allers et retours dans le présent et le passé des personnages, restitués au fil d’un récit remarquablement orchestré, dessinent peu à peu la personnalité complexe de Faber et ses contradictions. Le héros de ce roman évoque l’homo faber. Cette intelligence de l’être capable d’agir sur son environnement pour modifier le monde qui l’entoure, illustre la dimension philosophique de l’œuvre de Tristan Garcia et lui donne toute sa résonance. Parions que ce roman sera un des grands succès de cette rentrée.