Bande dessinée

Nathalie Ferlut

Dans la forêt des lilas

illustration

Chronique de Simon Roguet

Librairie M'Lire (Laval)

Elles sont assez peu communes les histoires comme celles-ci. Celles qu’on imaginerait bien se faire raconter au coin d’un feu lors d’une veillée. Celles qui font un peu peur mais qu’on veut entendre quand même. Celles qui font pleurer mais qui sont belles quand même. Celles qui intriguent, celles qui choquent, celles qu’on ne veut pas lire mais qu’en fait, on finit par adorer. Dans la forêt des Lilas est une de ces histoires-là.

Faith vit seule avec une domestique dans un cottage isolé près de la mer. Son père est mort il y a peu et sa sœur Verity, qui est partie vivre à Londres, veut vendre le vieux bâtiment. Faith s’y oppose et se fâche avec sa sœur. Elle menace même de ne pas se soigner si elle reste seule. Car elle aussi semble très fragile et atteinte d’une maladie assez grave. Pas encore prête à entendre l’atroce vérité, Faith adore se réfugier dans un monde imaginaire, celui de son enfance où elle s’est inventé toute une galerie de personnages qui pourraient être issus de l’imaginaire d’un Lewis Carroll (Alice) ou d’un James Matthew Barrie (Peter Pan). Ces créatures de la forêt sont aussi douces et rassurantes que cruelles et monstrueuses. On y découvre, entre autres, le prince chat Beau-Minon et son cheval, les Luciolétoiles ou la fée Biche. Faith se fait appeler Comtesse dans ce monde. Et elle a bien besoin de le retrouver quand son quotidien se veut trop sombre. Mais, peu à peu, ce monde aussi commence à devenir plus sombre. Les personnages qu’elle a tant chéris, enfant, se transforment peu à peu et l’univers qu’elle a créé n’est plus aussi beau que celui dont elle rêvait petite. Elle grandit, tout simplement. Et la réalité qu’elle découvre n’est pas rassurante. Nathalie Ferlut et Tamia Baudouin prennent le lecteur par la main et l’entraînent dans un monde étranger, à la fois beau et cruel. Si ce récit initiatique parle de la fin de l’enfance, il le fait avec une force inouïe car il y est question de maladie, d’abandon ou de lutte, de prise de conscience d’une fin peut-être imminente. On y parle d’amour aussi, du soutien trouvé dans cette recherche d’amour, propre à l’homme. Le scénario de Nathalie Ferlut est extrêmement riche et dense. Pour l’accompagner, Tamia Baudouin réalise un travail d’illustration absolument remarquable. Les personnages et les décors sont admirablement retranscrits et propulsent l’histoire dans une représentation graphique très forte. Dans la forêt des Lilas est une grande BD, à lire à tout âge.

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